Beauté monumentale YUKI AP-01

Yuki évoque un Manga, mais c’est une entreprise japonaise très sérieuse, qui fabrique des pièces mécaniques de haute précision pour de grands noms comme Rolls Royce ou Audemars Piguet. Cette platine est née d’un défi entre collègues pour motiver les équipes. Le résultat est au-delà de toute espérance, par une esthétique sculpturale mais rationnelle et une performance d’écoute exceptionnelle. Le luxe est cher, forcément, mais en dehors de l’apparence, il s’incarne aussi dans la précision de l’usinage et la qualité de fabrication, comme sur l’AP-0, première platine jamais réalisée par Yuki Seimitsu.

Cette entreprise est experte dans la réalisation de pièces mécaniques pour l’aérospatiale, l’aviation, le médical, l’horlogerie et d’autres environnements extrêmes. Sur la même base que l’AP-0 lancée en 2020, l’AP-01 née en 2023 est toujours inspirée du designer allemand Dieter Rams, père des appareils Braun, pour qui «less is more», mais évoque aussi le fonctionnalisme architectural du Bauhaus. Intégralement taillée dans le meilleur métal, son apparence est l’exact reflet de sa fonction.

Le design résulte ici de la stricte fonctionnalité, sans cacher la structure, à l’image d’une montre suisse automatique qui dévoile ses rouages. Ce concept né d’une feuille blanche décline une qualité de fabrication rare et des technologies innovantes, jusqu’alors inusitées.

La partie supérieure est un simple plateau rectangulaire taillé dans l’aluminium aéronautique, tout comme celui inférieur, sur lequel repose à gauche le logement du moteur et de son alimentation, surplombé du dispositif de commande. Celui-ci rappelle la philosophie de Dieter Rams par son minimalisme, guidé par l’usage et clairement lisible. Molette start/stop, petite LED rouge, et tige de sélection de vitesse 33,33, 45 et 78t/min, chacune d’une commande d’ajustement du pitch.

Le palier de la platine va à contre-courant des idées reçues, dans le sens où habituellement, une crapaudine massive reçoit l’axe lubrifié par un film d’huile, pour minimiser la friction. Or ici, il n’y a aucun contact entre le puits et l’axe, qui flotte dans un champ magnétique créé par deux aimants permanents situés en haut et en bas de son corps. L’axe tourne dans un espace vide de 1mm, et repose en un seul point de contact sphérique à sa base, procurant un mouvement de rotation parfaitement silencieux, sans aucun frottement.

Le plateau est entraîné par un fil en kevlar via deux poulies situées de part et d’autre, dont la tension est automatiquement répartie par deux tiges reliées horizontalement, disposées au-dessous et tendues par ressort. Ce principe novateur supprime le moment dans le sens du basculement lors de la traction.

Le moteur sans balai à courant continu est piloté par une nouvelle carte de contrôle électronique délivrant une stabilité de rotation optimale. Le plateau en aluminium aéronautique de 310mm pour 20mm d’épaisseur ne pèse pas plus de 4kg. Il reçoit un traitement d’anodisation spécial aux facultés uniques, car un procédé complexe à mettre en œuvre est appliqué, empêchant l’accumulation d’électricité statique. Mieux, il participe à son évacuation au travers du châssis, ce qui réduit également la présence de poussière sur le vinyle et évite l’usage d’un couvre-plateau.

Une couronne en aluminium pour plaquer le vinyle en périphérie et un palet presseur sont disponibles en option (offerts jusqu’à la fin de l’année).

Le bras droit spécialement conçu est magnifique de simplicité, intégralement en aluminium. D’une distance effective de 240mm, il est de type à couteaux, monté sur une vis sans fin pour un réglage de la VTA à la volée. Il intègre un frein à hystérésis sans contact équipé d’un dispositif qui utilise aussi la puissance des aimants, pour un guidage hyperstable. À noter que Yuki préconise une géométrie particulière à un seul Point Nul. Son support est amorti par un matériau anti-vibratoire l’isolant des perturbations. La plaque aluminium supérieure gauche peut être percée sur mesure à la demande, pour accueillir un autre bras.

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Timbres

L’attraction de la nouveauté est toujours excitante, mais il est évident que l’AP-01 distille quelque chose de rare à l’écoute. Cette supériorité est difficile à bien décrire, car c’est un ensemble de qualités intimement liées. Avant tout, c’est la sensation de ne pas écouter de la hi-fi. La présence immanente des musiciens est perceptible presque par leur souffle et leur mouvement dans l’espace, dans un continuum temporel où se singularisent la signature des voix et des instruments acoustiques. La stature incomparable de l’interprète fait qu’il est là devant vous, tout simplement.

L’importateur avait apporté quelques vinyles précieux, tel L’Art de la coloratura, les Airs d’opéras français chantés par Mady Mesplé (EMI), inouï de réalisme, de naturel et de puissance émotionnelle. Inutile ici de décortiquer les sons, il faut juste se laisser aller à la beauté de l’œuvre portée par l’interprète, pratiquement que seule une lecture analogique de ce calibre peut procurer.

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Dynamique

L’aplomb est sidérant, comme rarement une source est capable de le faire. Cette platine redéfinit la notion de grave et d’extrême grave, à la fois d’une présence palpable, mais aussi léger et aérien quand il le faut, changeant au gré des prises de son, qui sont d’ailleurs immédiatement identifiables.

Il est vrai que la cellule PP-5000 haut de gamme et l’exceptionnel phono EA-2000, dont le transformateur EA-2000T, y aident bien, particulièrement dans le grave. Par exemple, le vinyle actuel de Roisin Murphy, Hit Parade, mixé par le célèbre DJ Koze, délivre un extrême grave impressionnant, puissant et ferme, mais aussi d’une matière particulière bien distincte, aux sons électroniques inhabituels. L’énergie déployée est titanesque, comme la puissance dévastatrice lors de l’écoute du Berliner Philharmoniker, dirigé par Kirill Petrenko, sur la Symphonie n°6 de Tchaïkovski, où la majesté et l‘ampleur grandiose de l’orchestre ont rarement été aussi évidentes. Nous sommes scotchés !

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Scène sonore

L’AP-01 a été conçue pour extraire méticuleusement les infimes informations gravées dans le sillon. Cette faculté permet de restituer une scène sonore de dimension réelle, à laquelle on croit totalement, comme sur le rare vinyle Le Nozze di Figaro de Mozart par Teodor Currentzis, enregistré par l’excellent Nicolas Bartholomée, qui recherche le plus de naturel possible dans le rendu des timbres.

Ce que la platine retranscrit à merveille par sa richesse tonale, mais également par un splendide étalement des pupitres, qui vivent dans un espace de dimension plausible, changeant selon les prises, mais génial quand l’enregistrement est réalisé avec maestria.

Sur Brexit Music de Baptiste Trotignon, le piano impose sa présence naturelle, percussive et aussi chaleureuse, alors que les cymbales de Greg Hutchinson sont admirables de vérité et de finesse. C’est un privilège permis seulement aux ensembles analogiques de rang noble. L’AP-01 en bonne compagnie donne vraiment envie de redécouvrir toute sa collection de 33 tours.

La perfection se construit pièce par pièce, mais n’est que l’édifice pour parvenir au but ultime, qui est de célébrer magistralement la musique. Tous ces efforts seraient vains sans une écoute à la hauteur des moyens consentis.

Or cette AP-01 est vraiment précieuse, moins par son apparence parfaite que par sa restitution musicale exceptionnelle, grandeur nature, incarnant profondément la musique. La sensation indescriptible qu’on y est vraiment s’impose, presque sans obstacle entre la reproduction et les musiciens. C’est rare de la part d’un constructeur pour qui c’est une première, mais qui dépoussière les idées reçues avec audace. Une nouvelle référence.