PLATINE TD

EAT FORTE

Euro Audio Team, société tchèque, se spécialise dans les tables de lecture phonolectrices d’exception. La Forte, modèle le plus abouti, se distingue par sa conception originale sur plusieurs points stratégiques.

L’EAT Forte se présente sous la forme de deux châssis à la finition optionnelle en macassar (variété d’ébène). Le premier, constitué de métal lesté de sable, accueille le plateau et le bras de lecture, un fantastique Phantom II Supreme de Graham Engineering, une option à considérer pour ses performances époustouflantes et la précision de ses réglages. Le second, placé à gauche, comprend deux lourds moteurs, l’électronique d’asservissement et les commandes de sélection de vitesse, de démarrage et d’arrêt. Chaque moteur entraîne les 20 kg du plateau de 40 cm de diamètre au moyen de sa propre courroie en silicone. Les deux moteurs, très silencieux, totalisent un couple suffisant pour entraîner le plateau qui parvient à 33,33 tr/min en un peu plus de 26 secondes. Une alimentation externe fournit l’énergie alternative à ce module d’asservissement qui délivre aux moteurs une sinusoïde parfaite. Le plateau, réalisé en deux couches d’alliage de densité différente, une tendre et une plus dure, emmagasine une énergie cinétique de 2 460 joules en tournant autour de son axe poli et inversé : la bille en céramique, matière réputée pour sa dureté, se trouve située en haut du montage. Un roulement miroir en téflon améliore la rotation tout en réduisant le bruit de fond, aidé en cela par l’ajout de sorbothane sous le plateau. Le disque repose sur un tapis en… vinyle (disques recyclés), tandis qu’un palet presseur le maintient en place durant la lecture.

Des aimants !

Le constructeur emploie des aimants au néodyme, incorporés à la partie tendre du plateau, afin d’optimiser la suspension du plateau tout en réduisant la pression mécanique sur les roulements. Ce procédé ajustable tend aussi à réduire le rumble dans des proportions sensibles, tout en éliminant toute influence magnétique sur la cellule, ici, une Van den Hul Colibri Special. On retrouve des aimants dans les pieds à hauteur ajustable, afin de constituer un découplage magnétique, ce qui a pour effet d’isoler totalement la table de lecture de toute vibration transmise par le sol, de même que les perturbations aériennes pouvant, elles aussi, affecter la lecture.

Fabrication et écoute

Construction : Le bloc-moteur séparé exempte le plateau de toute vibration générée par l’entraînement. Chaque élément concourt à l’insensibilité aux vibrations de cette table de lecture, ce qui explique son rapport signal sur bruit remarquable. La petite alimentation en alternatif, séparée du bloc-moteur, évite, en raison de son éloignement, tout rayonnement électromagnétique à 50 Hz qui viendrait perturber le fonctionnement de la cellule phonolectrice.

Composants : Les circuits de régulation de vitesse, logés dans le coffret accueillant les deux moteurs, disposent d’un long dissipateur thermique à ailettes que l’on aperçoit sous la base. Notons que ce système ne fait pas appel à un stroboscope placé sous le plateau, mais à un asservissement direct de la rotation des axes des deux moteurs fonctionnant en tandem. Le constructeur obtient, cependant, une remarquable stabilité de la vitesse de rotation.

Grave : Ce registre évolue d’un disque à l’autre. La précision très satisfaisante de la cellule différencie avec élégance les sources sonores s’appuyant sur ce registre, comme sur les contrebasses et violoncelles du Stabat Mater de Vivaldi, dirigé par James Bowman (L’Oiseau-Lyre). On apprécie également les moindres inflexions de la basse Music Man StingRay à cinq cordes de Tony Levin, qui diffèrent de celles de son Stick Chapman, sur le live de Peter Gabriel.

Médium : Les performances en termes de richesse de détails et détourages des sources sonores ravissent tout auditeur attentif : la présence des voix et le contenu émotionnel de celle de John Martyn sur son fabuleux album Grace and Danger font preuve d’un naturel époustouflant. On retrouve la même impression sur le contenu harmonique des caisses claires de Phil Collins dans le même disque, ainsi que les très belles guitares jouées par John Martyn, qu’elles soient acoustiques ou électriques, toutes différentes d’un morceau à l’autre. L’aération de la restitution, détachée de toute contingence mécanique, s’exprime avec une aisance peu commune.

Aigu : Toujours sur ce même disque de référence, le registre aigu file très haut, en présentant un caractère soyeux et très musical, jamais agressif, toujours agréable. L’EAT Forte brille, dans ce registre, par le souci du détail, comme ce subtil effet de flanger sur une cymbale de Phil Collins : les résonances modulées de cette percussion s’évanouissent délicatement dans un contexte acoustique authentique, confondant de réalisme.

Dynamique : La dynamique moyenne d’une œuvre musicale se situe dans les 30 dB, ce qui ne distance pas les performances du disque analogique par rapport au support numérique qui n’exploite jamais ses 96 dB théoriques. Cette considération technique très positive s’illustre de manière évidente sur l’EAT Forte, d’autant que le fait de posséder les mêmes œuvres musicales sur support numérique et sur disque vinyle facilite les comparaisons.

Attaque de note : Sans surprise, à l’examen des tests précédents, la table de lecture EAT, faisant preuve d’une belle liberté de restitution sur un plan général, se joue avec brio des sons transitoires, retranscrits avec une grande aisance. La complexité rythmique, axée sur un luxe de percussions diverses et variées, et soulignée par le jeu syncopé du piano et de l’orgue Hammond, sur l’album Night and Day du compositeur, chanteur et multi-instrumentiste Joe Jackson, n’a pas mis la Forte en défaut.

Scène sonore : Cet aspect particulier de la restitution ne souffre pas de critiques gênantes lorsqu’on écoute un disque analogique à la prise de son irréprochable, en matière de spatialisation des instruments de musique placés dans leur contexte acoustique. Le message perçu présente, sur les enregistrements réalisés en stéréo de phase, un environnement sonore naturel, en trois dimensions. Si l’on compare cette écoute avec celle de la même œuvre enregistrée sur support optique, on va déceler, en retournant au vinyle, une très légère perte de largeur de l’image stéréo, tandis que la profondeur ne subit aucune altération. Ce resserrement est négligeable à l’écoute de l’EAT.

Transparence : Le signal sonore délivré par cette table de lecture d’exception, dotée d’un bras de très haut niveau, semble flotter dans l’air. Les différents tests effectués démontrent à l’évidence que l’EAT Forte présente de sérieux atouts, tant elle se libère, en pratique, de tout ce qui pourrait infléchir ses performances, sur le plan théorique, comme les contraintes mécaniques, déjà évoquées. La grande pureté et la neutralité des timbres pourront être améliorées en optimisant l’adaptation d’impédance et le niveau de la cellule phonolectrice avec le pré-préamplificateur. En effet, si la Van den Hul Colibri Special donne déjà d’excellents résultats, l’EAT Forte saura profiter d’une cellule de qualité encore supérieure…

Qualité/prix : La configuration testée table de lecture + bras + cellule, à laquelle il faut ajouter un pré- préamplificateur, pâtit, de prime abord, d’un coût très élevé. Mais lorsqu’on examine chaque détail de conception, la finition générale irréprochable et l’audace technique mobilisant pléthore d’astuces de découplage et un entraînement séparé à deux moteurs, l’investissement devient nettement plus réaliste. En effet, cette table de lecture d’exception associe de manière harmonieuse de véritables prouesses techniques et une esthétique digne d’une œuvre d’art, une véritable épure dont les grandes qualités se dévoilent à l’écoute.

Verdict

Cette table de lecture de très haut de gamme, à la finition irréprochable, est très réussie, tant sur le plan technique qu’esthétique, avec sa finition macassar. Le bras choisi lui convient à merveille, tant pour ses hautes performances que pour ses réglages, précis et faciles. Les tests d’écoute ayant donné des résultats très satisfaisants avec la cellule Colibri Special de Van den Hul, il ne fait aucun doute que l’EAT Forte pourra encore progresser en musicalité si l’on lui adjoint une cellule de gamme supérieure. On veillera également à soigner la sélection du pré-pré, élément d’importance cruciale pour une table de lecture aussi responsive que l’EAT Forte.

Fiche technique

Origine : Tchéquie
Prix : 7 700 euros
(finition macassar, voir photos),
7 000 euros (finition laque piano noire)
Prix bras
E-GO Graham Phantom Supreme V2
7 500 euros
Prix cellule
Van den Hul Colibri Special
6 400 euros
Dimensions : 700 x 250 x 440 mm
Poids : 65 kg
Vitesse :
33,33 tr/min et 45,11 tr/min
Variation de vitesse : ± 0,09 %
Pleurage et
scintillement : ± 0,008 %
Rapport signal sur bruit : 73 dB
Consommation totale : 2 W
Alimentation secteur
séparée fournie : 16 V/1A en alternatif

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