PREAMPLIFICATEUR

GRYPHON PANDORA

Présentéau salon High End de Munich en 2011, le Gryphon Pandora est lefleuron des préamplificateurs du constructeur danois. Conceptionpoussée à l’extrême, spécifications techniques exceptionnelles,la réalisation est brillante. Mais au-delà de l’exercice, cettesingulière électronique rivalise musicalement avec les meilleurspréamplificateurs de la planète.

Lepréamplificateur Pandora et son alter ego de puissance,l’amplificateur Mephisto, donne une idée très concrète de cedont un engineering qualifié et mélomane est capable de réaliser.Conçus comme un couple d’exception comme le furent il y a quelquesannées l’amplificateur Reference One et les enceintes Poséidon,ces électroniques montrent une fois encore que Gryphon a toujoursdéveloppé ses produits en marge de la production mondiale.Concevoir mieux, oui, mais surtout concevoir le meilleur. Comme lePandora et le Mephisto pour lesquels les ingénieurs danois ont eu leprivilège et le luxe de pouvoir concevoir un ensembled’électroniques sans aucune considération de coût de revient, detaille, de poids ou d’apparence.

Et Gryphon créa le Pandora…

Création de Zeus, Pandora fut la première femme sur Terre dans la mythologie grecque et fut ainsi dotée de tous les talents. Le nom repris par Gryphon pour son préamplificateur semble vouloir indiquer que l’appareil propose ce qu’on peut trouver de mieux aussi bien en termes techniques que musicaux. Au commencement furent donc séparées les alimentations et les circuits audio, meilleur moyen de supprimer les interférences que les alimentations pourraient induire dans les étages audio. Et quitte à aller jusqu’au bout, le constructeur fidèle à sa tradition du schéma symétrique a également séparé le canal droit du canal gauche, cordon secteur y compris (soit deux cordons secteur par appareil). Les phénomènes d’intermodulation et de diaphonie sont considérablement atténués pour une meilleure séparation des canaux. Puis fut mise au point une topologie symétrique travaillant en pure classe A en utilisant des étages ultra-transparents et ultra-réactifs comme le buffer d’entrée qui consiste en une paire de transistors et une simple résistance, et en y intégrant des composants de la plus haute qualité comme les résistances de haute précision CAR (pour Charcroft Audio Resistor) pour le contrôle de volume. Ces résistances mettent en œuvre la technologie Vishay Z-Foil à film métallique nu, sans boîtier ni encapsulage d’aucune sorte, qui a pour effet de considérablement diminuer la distorsion et d’améliorer la définition, notamment sur petits signaux. L’absence de contre-réaction négative n’empêche nullement le Pandora d’afficher une bande passante de 3 MHz. Le couplage est direct de l’entrée jusqu’à la sortie du préamplificateur avec un asservissement de contrôle de présence de tension continue. Tout cet arsenal technologique n’aurait eu que peu de sens sans une alimentation à la hauteur. Ainsi fut-il. Outre le transformateur à circuit magnétique réalisé sur cahier des charges, à circuit magnétique double-C et enroulements imprégnés, un redressement par diodes Schottky et une batterie de filtrage symétrique capacitif de 90 000 µF sur chaque canal, la tension est ensuite régulée avant d’être adressée au châssis audio par ombilic dédié. Un châssis accueille les alimentations, un autre les étages audio. Tous deux reposent sur deux pieds et deux pointes pour un découplage optimum. D’esthétiques identiques, ils sont un assemblage de plaques d’aluminium extrudé et anodisé noir, la face avant reçoit une épaisse plaque en méthacrylate teinté, à rétroéclairage réglable en intensité et à commandes tactiles sur le boîtier audio. L’architecture interne est physiquement symétrique. Les composants sont installés sur un unique circuit imprimé au sein de chaque châssis. La connectique audio est directement soudée sur la carte pour éviter tout câblage générateur de parasites. L’alimentation ne compte pas moins de quarante-quatre condensateurs de filtrage par voie, par ailleurs une temporisation est activée à la mise en service qui permet aux différentes tensions de se stabiliser.
La section audio dévoile l’utilisation de très nombreux relais étanches à contacts plaqués or pour le système d’atténuation de volume à 85 pas contrôlé par microprocesseur. Ce dernier traite l’information envoyée par le positionnement de la superbe molette centrale très onctueuse à manipuler. Une télécommande à infrarouge duplique entre autres ce réglage.

Green ready

La mise sous tension s’effectue par un interrupteur situé sous la face avant du châssis d’alimentation une fois que les trois ombilics (un pour les signaux de commande, deux pour l’audio) ont été raccordés. La mise en veille ou en stand-by est opérée en appuyant sur la face avant tactile du boîtier audio. Après une période de temporisation (clignotement d’un voyant et du logo Gryphon sur l’alimentation), le Pandora est opérationnel. Plusieurs symboles s’illuminent en face avant « audio » et vont permettre sans télécommande d’utiliser le préamplificateur par appui tactile. Outre la sélection des sources, la mise en sourdine et l’activation de la sortie « monitoring », on note une touche « Menu » qui permet de régler et de programmer certaines fonctions propres à l’appareil. Les modifications et les déplacements dans le menu s’effectuent par l’intermédiaire des autres touches et de la molette de réglage de volume. On pourra ainsi attribuer un nom à chaque entrée, régler un niveau maximum de volume qui ne sera jamais dépassé ou un niveau minimum qui sera automatiquement ajusté à chaque allumage du Pandora, régler la balance, prédéfinir pour chacune des entrées un niveau correspondant à la source raccordée, assigner l’entrée 3 à une application home-cinéma avec by-pass des étages de pré-amplification du Pandora, changer l’intensité du rétroéclairage ou retourner aux réglages d’usine. Enfin, le préamplificateur dispose également d’une fonction Green Bias qui va lui permettre, une fois raccordé par la liaison Green Bias Link à un amplificateur Gryphon compatible, de contrôler selon trois niveaux la polarisation en classe A des étages de sortie de l’amplificateur afin de réduire sa consommation électrique et sa dissipation. La position de la molette de volume définit la polarisation de l’amplificateur afin d’optimiser le courant de repos en fonction de la demande musicale.

Fabrication et écoute

Construction : Les électroniques Gryphon font partie des réalisations les plus abouties qu’on puisse se procurer actuellement. Le Pandora ne faillit pas à cette règle et la proposition en deux boîtiers s’aligne sans problème sur les standards les plus ambitieux du moment. Cette configuration vise à isoler totalement les sections audio de l’alimentation pour bannir la moindre interférence mutuelle. L’utilisation quasi exclusive de l’aluminium assure un blindage très efficace vis-à-vis de l’extérieur tout en offrant une esthétique très futuriste exacerbée par la mise en place d’une épaisse plaque en métacrylate teinté en face avant des deux châssis. Le travail interne est superbe avec une architecture double mono depuis la fiche secteur (une par voie) jusqu’aux étages de sortie.

Composants : Pas de doute, le constructeur n’a effectivement pas imposé de limites dans le choix des composants qui équipent son préamplificateur. Entre des alimentations utilisant des transformateurs à circuit magnétique double C, un filtrage intensif par plusieurs dizaines de condensateurs, l’emploi de résistances japonaises Takman et britanniques de précision Charcroft Z-Foil ou des relais étanches de commutation à contacts plaqués or, on reste impressionné par autant de qualité.

Grave : L’écoute d’un préamplificateur de très haut de gamme est toujours un grand moment de plaisir. En général, un appareil digne de cette appellation transfigure la restitution en y insufflant un degré supplémentaire de réalisme et de crédibilité sur tous les critères habituels d’évaluation, fussent-ils les nôtres ou ceux de n’importe quel mélomane, averti ou pas. Le Pandora s’inscrit dans ce cercle très fermé des préamplificateurs d’exception (une dizaine tout au plus) qui explorent avec une aisance et une précision déconcertantes chaque piste, chaque note, chaque harmonique de la plus infime modulation jusqu’aux transitoires les plus telluriques. Le grave notamment fait preuve d’un tonus, d’une fermeté et d’une rapidité tout à fait remarquables. Si la piste contient des informations dans les premières octaves (introduction à l’orgue sur « Julsang », CD Cantate Domino), les modulations du signal à très basse fréquence, les pulsations de l’air sont beaucoup mieux ressenties qu’avec la quasi-majorité des préamplificateurs du marché. Plutôt qu’un registre reproduit comme on mâche un shamallow, ce sont des soubassements très articulés et très profonds que le Pandora est capable de restituer.

Médium : La proposition tonale du Pandora est absolument savoureuse. Nous serions tentés de dire qu’elle s’inscrit quelque part entre l’aération et la souplesse des tubes, d’une part, et la précision analytique et la rigueur des transistors, d’autre part. Fondamentalement, on est très près d’un certain idéal sonore avec une très grande justesse de timbres et un dégradé harmonique remarquable, notamment sur les fins de notes (cordes de la pipa sur la piste « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong). La grande densité de couleurs et d’informations tonales améliore le relief et la texture du message, les instruments sonnent bien plus vrais qu’à l’accoutumée, les voix semblent plus incarnées, l’impression de présence intensifiée et le détourage des sources beaucoup plus précis.

Aigu : Les spécifications du Pandora annoncent purement et simplement que la bande passante dépasse allègrement le mégahertz. Pourtant nous n’avons jamais eu à nous plaindre d’un registre d’aigu insistant ou trop brillant. C’est justement tout l’art de la conception d’un préamplificateur de référence. Reproduire au plus près tout le contenu musical d’une piste ou d’un sillon sans retrancher ni ajouter quoi que ce soit. Etre capable de reproduire le mégahertz en toute décontraction permet donc au Pandora de restituer le 20 kHz en roue libre. Le registre d’aigu et d’extrême aigu du Gryphon est probablement un des plus fins, un des plus ciselés, un des plus subtils qu’une électronique à transistors puisse délivrer. Par ailleurs, on est réellement épaté par la matière et le contenu harmonique que le Pandora extirpe à ces fréquences. Dès la frappe initiale, les percussions (« Moonlight on Spring River ») sont reproduites avec une palette extrêmement variée de sonorités entremêlées (fondamentale et harmoniques de la matière en vibrations) qui s’éteignent sans qu’aucun écart de modulation ne paraisse gommé ou voilé. On apprécie ces extinctions qui n’en finissent pas et qui confèrent un inhabituel réalisme au message. Superbe !

Dynamique : S’il est épaulé par des maillons de haut niveau, le Pandora fera profiter l’ensemble du système de ses capacités dynamiques fulgurantes. Sans même parler de la réserve d’énergie quasi illimitée du Gryphon qui dispose de banques de condensateurs à faire pâlir pas mal d’amplificateurs de puissance concurrents, l’appareil reste sous contrôle et aux ordres du signal audio. Il sera donc capable de reproduire n’importe quel écart dynamique, micro ou macro, en pure harmonie avec le contenu musical. Il n’est pas du genre démonstratif, à faire vrombir la mécanique en dépit du bon sens et de la réalité. En revanche, quand il faut appuyer sur le champignon, ça pousse très fort ! L’introduction du tambour solo puis l’envol de l’orchestre sur la Marche de Radetzky ont très rarement atteint un tel degré de véracité grâce aux écarts de modulation incroyablement extrêmes de tous les instruments.

Attaque de note : Circuit en liaison directe de bout en bout, bande passante de folie, on pouvait attendre du Pandora qu’il soit irréprochable également sur le plan de la réactivité. Nous n’avons absolument pas été déçus. En vérité, le Pandora est aussi vif que l’éclair et décline un rendu harmonique de premier ordre jusque dans des rangs très élevés. Il est si rapide et si précis dans son analyse qu’il devient possible de virtuellement voir et repérer devant soi tous les protagonistes d’une performance musicale aussi complexe soit-elle. Le détourage exceptionnel permet de pointer du doigt chacun d’entre eux. Loin de tout artifice démonstratif, cette faculté de restituer tous les détails va permettre au système accueillant le Pandora de trouver un nouveau souffle et de s’exprimer avec plus de crédibilité.

Scène sonore : En toute logique et conséquemment au constat précédent, la proposition de scène sonore du préamplificateur danois bénéficie de ses capacités à fouiller en grande profondeur le message musical dont il puise à la fois des informations fondamentales (timbres, rythme, bande passante, etc.) et secondaires (bruits d’ambiance, résonances, etc.). Si les premières sont capitales pour apprécier une interprétation, par exemple, les secondes sont primordiales pour recréer un espace sonore proche de celui de la performance originale et pour éventuellement sublimer la compréhension d’une œuvre (durée ressentie d’une extinction de note par exemple). La Pandora excelle dans les deux cas. Qu’il s’agisse d’une création de studio (« Locked in Closets » par Solange, CD True) ou d’une orchestration « live » (« Gotcha » par Patricia Barber, CD A Fortnight in France), l’appareil vous plonge illico dans l’atmosphère de chaque piste avec une peinture tonale très précise et très documentée de l’ambiance du moment.

Transparence : Sans aucun doute un des plus transparents et des plus neutres préamplificateurs disponibles à ce jour, toutes technologies confondues. Il serait présomptueux d’émettre la moindre réserve sérieuse après avoir écouté en long et en large le Pandora dont l’énorme potentiel qualitatif de restitution ne mérite que les meilleurs maillons.

Rapport qualité/prix : Avec une étiquette de prix approchant les 30 000 euros, nul doute que le Pandora ne trônera pas sur toutes les étagères. Il se compare aux meilleurs préamplificateurs du moment qui affichent un tarif tout à fait similaire. Le choix final du mélomane heureux qui pourra s’offrir ce magnifique jouet sera affaire de goût et de couleur. Esthétique unique, conception sans autre considération que d’aboutir au meilleur, composants de tout premier ordre, spécifications hors normes et musicalité exceptionnelle. Les atouts du Pandora sont nombreux.

Verdict

Nous vivons de temps à autre de grands moments de haute-fidélité. C’est ce que nous avons vécu avec le préamplificateur Gryphon Pandora, malheureusement inaccessible au commun des mélomanes. L’apport subjectif qu’un appareil de cette classe apporte à un système est très sensible avec une amélioration globale de l’écoute qui vous fait pénétrer dans un autre monde musical. Cette performance rare et convoitée est la conséquence directe d’une conception extrêmement rigoureuse et brillante de la part d’un fabricant qui n’en est plus à son coup d’essai. Une nouvelle référence est née.

Fiche technique

Origine : Danemark
Prix : 28 700 euros
Dimensions :
480 x 130 x 400 mm (chaque unité)
Poids : 17,5 kg (l’ensemble)
Réponse en fréquence :
0,1 Hz – 3 MHz à -3 dB
Distorsion : < 0,005 %
(1 kHz, 10 Hz – 30 kHz)
Impédance entrée :
25K RCA, 50K XLR
Impédance de sortie : 7 ohms
Entrées : 3 XLR (ligne),
2 RCA (ligne et monitoring)
Sorties : 2 XLR (ligne),
1 RCA (monitoring)

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