Mastersound Dueventi

L’artisan italien Mastersound dispose d’une gamme d’électroniques à tubes traditionnelle mais très variée. L’intégré Dueventi fait partie des six intégrés du catalogue. Dueventi pour deux fois vingt watts, c’est la puissance que fournit l’appareil sur chacune de ses voies propulsée par un simple étage parallèle de pentodes. 

Seul intégré de ce dossier, le Dueventi est aussi le moins puissant du groupe. Mais les connaisseurs de l’amplification à tubes savent parfaitement que la puissance théorique et mathématique de ce genre d’électroniques ne correspond pas au ressenti à l’écoute. En général, on a la sensation d’une puissance très supérieure à ce que les chiffres annoncent, d’autant plus qu’avec un montage single-ended la distorsion majoritairement d’ordre pair arrive en douceur à forte puissance. Le catalogue Mastersound propose six intégrés s’échelonnant entre 11 W et 55 W par canal, trois blocs de puissance uniquement à triodes et deux préamplificateurs.

Single ended, exclusivement

Beaucoup de constructeurs ont leurs habitudes, leurs manies, leurs préférences. Chez Mastersound, on adore le schéma single-ended où le tube de sortie est chargé par un transformateur à enroulement primaire unique et à circuit magnétique à entrefer. Ce type de transformateur est assez compliqué à réaliser car plusieurs facteurs sont à prendre en compte, notamment le bobinage des enroulements sur plusieurs couches et le réglage précis de l’entrefer.

Pour les bobinages, il faut entremêler les couches primaires et les couches secondaires de manière à obtenir un couplage magnétique le meilleur et une capacité résiduelle la plus faible possible, deux impératifs si on recherche la plus large bande passante. Quand à l’entrefer, il est indispensable en montage single-ended pour ne pas saturer les tôles avec le courant continu de polarisation du tube. Il détermine la perméabilité du circuit magnétique, donc l’induction primaire par rapport aux courants DC (polarisation) et AC (musique) qui va traverser l’enroulement primaire et par déduction la réponse dans le grave du transformateur. La société Mastersound fondée par Cesare Sanavio a fabriqué des transformateurs audio avant de se lancer dans l’amplification. C’est donc une tradition familiale que de bobiner, ce sont donc des transformateurs fabriqués à la main et à la maison qui sont montés sur toutes les électroniques du catalogue.

L’EL34, un classique

Le Dueventi est le second modèle dans la montée en gamme « Intégrés », après le Dueundici (2 x 11 W) qui introduit au monde de Mastersound. Il est installé dans un châssis qui reprend l’esthétique unique du constructeur italien, à savoir un boîtier en acier épais et plié peint en noir puis flanqué de deux joues en bois massif ciré et d’une plaque supérieure en inox poli. Les transformateurs de sortie sont recouverts d’un fût métallique cylindrique, et les composants volumineux relatifs à l’alimentation (transformateur) et au filtrage (inductance de lissage) sont abrités sous un capot rectangulaire à droite des tubes.

Ceux-ci, au nombre de quatre (deux doubles triodes ECC802 et deux pentodes EL34), sont protégés par un sandwich de plaques en aluminium séparées d’entretoises. Deux molettes (sélection des sources analogiques et réglage de volume) habillent la face avant. L’interrupteur de mise sous tension est placé à l’avant sous le châssis. La connectique arrière se résume à quatre paires de RCA et trois paires de fiches HP avec sorties en 4 et 8 ohms. Le retrait de la tôle de fond laisse apparaître une carte principale qui reçoit tous les composants audio, un potentiomètre Alps manuel ainsi qu’un petit circuit imprimé fixé au dos des connecteurs d’entrée sur lequel est soudé le commutateur rotatif qui dirige l’entrée sélectionnée vers l’étage de gain. Les tubes sont installés sur des supports en stéatite soudés, les composants passifs peu nombreux sont d’excellente qualité avec des résistances à film de puissance et des condensateurs de liaison au polypropylène métallisé.

Le câblage parfaitement orienté autour de la carte principale fait usage de la torsade pour véhiculer les signaux perturbateurs (tensions secondaires) et du blindage pour les signaux musicaux (sortie du commutateur de sources vers la triode d’entrée). Le montage simple étage parallèle de deux pentodes offre un avantage non négligeable. On double la puissance disponible (environ 11 W pour une EL34 seule) sans avoir recours à la topologie push-pull. L’impédance du primaire du transformateur de sortie qui charge les deux pentodes sera elle aussi diminuée par deux. Moins de bobinage, moins de résistance série et meilleur couplage avec le secondaire. De plus, les tubes travaillent en pure classe A sans contre-réaction négative, donc on va retrouver à l’écoute ce qui caractérise le mieux le single-ended, c’est-à-dire un son fluide, aéré et très bien timbré.

Écoute

Nous aimons beaucoup les réalisations de l’italien Mastersound, néanmoins le Deuventi partait avec un léger a priori défavorable vis-à-vis de ses camarades plus puissants. Une chose s’est avérée certaine en écoutant les quatre pistes retenues pour la diversité de leur contenu harmonique : le Mastersound est celui qui procure la focalisation la plus précise, la plus nette, avec un détourage des notes qui crée un étagement extrêmement réaliste des interprètes dans l’espace. Le YBA et le Primare font presque aussi bien, le premier grâce à sa fougue et à ses grandes qualités en termes d’attaque, le second à peine moins nerveux mais plus charnu dans les premières octaves.

Les enceintes utilisées disposent d’une bonne sensibilité, ce qui nous a permis de jouer avec le single-ended parallèle de EL34 sans les pousser dans leurs derniers retranchements. Le grave restitué par le Dueventi ne fait jamais dans la rondeur, un bon point pour le montage mis en œuvre avec transformateur à entrefer, mais il manque de générosité, de force tout au moins avec le petit grave médium des Mulidine. Ce qu’on perd en poids est en revanche récupéré en immédiateté, et c’est appréciable notamment sur le piano d’accompagnement de Zaz, car la franchise du toucher aide à la focalisation supérieure de l’appareil vis-à-vis des autres du dossier. Idem quand on écoute la Marche au supplice car les instruments se positionnent naturellement en largeur et en profondeur pour nous entraîner avec eux dans le studio. Sur « Gotcha », l’ambiance concert est bien rendue dès l’introduction du morceau où l’on devine la présence du public par les bruits divers (conversations, mouvements).

Cependant nous n’avons pas complètement la sensation d’y être vraiment, car le fond sonore manque d’un peu d’épaisseur, d’un peu de texture, signe d’un extrême grave légèrement en retrait. Quant aux voix de Patricia Barber et de Zaz, elles résonnent de multiples couleurs et harmoniques, avec des prises de respiration aisément audibles et une gymnastique vocale très détaillée. Ha, le tube…

Verdict

Le Mastersound Dueventi nous a procuré beaucoup de plaisir à l’écoute, et il nous a rappelé plusieurs points essentiels. Un, le tube au sein d’un montage maîtrisé comme celui-ci reste un repère inébranlable en termes de spatialisation et de qualité de timbres. Deux, associés aux enceintes ad hoc dans une pièce à vivre, une vingtaine de bons watts suffisent pour retrouver des niveaux sonores réalistes sans distorsion audible. Et trois, il sera toujours possible de redonner des couleurs aux premières octaves en positionnant les enceintes près des murs arrière et latéral, à la Audio-Note… Le Dueventi ? Un choix de mélomane qui fréquente le concert.

fiche technique

Origine : Italie
Prix : 2 565 euros (2 880 euros avec télécommande)
Dimensions : 430 x 200 x 330 mm
Poids : 23 kg
Réponse en fréquence : 15 Hz à 30 kHz à 0 dB
Puissance nominale : 2 x 20 W sous 4 et 8 ohms
Distorsion : n.c.
Sensibilité : 1 V (100K)
Entrées : 4 RCA
Sorties : 3 paires HP (0, 4 et 8 ohms)

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