PLATINE VINYLE CLEARAUDIO

Le système Clearaudio que nous avons testé est composé d’un assortiment des éléments parmi les plus hauts en gamme du catalogue de ce constructeur allemand mondialement reconnu et apprécié.  

Du très haut de gamme en réalité puisque le prix du système livré en finition optionnelle noire dépasse les 55 000 euros. Autre option installée, le support à trois pieds Olymp adapté à la Master Innovation n’est pas indispensable si le meuble destiné à recevoir la platine est suffisamment rigide et large. Dans le cas contraire, il faudra ajouter un petit supplément de 8 490 euros pour la finition noire… Ce système n’est donc qu’à la portée de quelques bourses, les autres pourront rêver comme nous avons eu le privilège de pouvoir le faire durant ces quelques jours passés à écouter cet exceptionnel ensemble.

Le tour des périphériques

Passons d’abord en revue les éléments essentiels qui ont été greffés à la Master Innovation et à son bras. La cellule Titanium V2 reprend les fondamentaux techniques appliqués par Clearaudio à cette seconde génération de cellule MC, et notamment un circuit magnétique composé de huit aimants (douze pour la Statement) extrêmement puissants placés autour des deux bobines. Hormis pour la Talisman et pour la Concept, ces microbobines sont en fil d’or 24 carats et disposées directement sur le cantilever en bore de part et d’autre du point de pivotement.

Il faut noter que cette structure a fait l’objet d’un dépôt de brevet de la part de Clearaudio. Elles se déplacent donc de façon symétrique dans le champ magnétique, ce qui améliore considérablement la linéarité, abaisse la distorsion et élève la plage dynamique à une centaine de décibels. La pointe est en diamant à profil Micro HD correspondant à un contact hybride hyperbolique. Quant à l’appellation Titanium, elle fait référence au corps de la bobine usinée dans du titane massif.

Le préamplificateur Absolute Phono Inside est un étage phono entièrement symétrique pour cellule à bobine mobile exclusivement, le rapport signal sur bruit est ainsi abaissé d’une dizaine de décibels sur toute la bande passante. Il est livré en deux châssis séparant l’audio de l’alimentation. Ils sont réalisés en un sandwich d’aluminium massif usiné dans la masse et de bois « panzerholtz », un composé multiplis et résine extrêmement rigide et totalement non résonnant utilisé dans certains revêtements de blindage (d’où son nom). Le schéma identique à celui du modèle Absolute Phono intègre le premier étage d’amplification du signal, un étage retiré sur le Absolute Phono car miniaturisé et placé entre la cellule et le porte-cellule. Le raccordement en mode symétrique (le préampli dispose également d’entrées asymétriques traditionnelles) depuis la cellule s’effectue par quatre conducteurs sur chaque voie, soit les deux fils de la bobine, un fil de masse et un fil relié au blindage du câble de raccordement en sortie de bras. Ces deux derniers sont raccordés ensemble, créant le fil de masse en borne 1 de la XLR de sortie.

Aucun contact de relais ni condensateur de liaison n’est utilisé sur le trajet courant du signal au sein de l’Absolute Phono Inside. En revanche, les endroits stratégiques, dont le réseau de correction RIAA, sont construits autour de composants sans compromis dont des condensateurs Clearaudio au mica argenté triés à la main.

Un transport nommé désir

La première platine Clearaudio, la Reference, date de la fin des années 80. Le châssis en forme de L et l’énorme plateau étaient déjà fabriqués en acrylique massif. Puis la série Solution vit le jour avec sa conception très rationnelle qui permettait à tout acheteur d’un modèle d’entrée de gamme de le faire évoluer dans le temps, un principe qui reste d’actualité avec la gamme Innovation couronnée par le modèle Master. La platine MI (pour Master Innovation) reprend donc le dessin du châssis en étoile à trois branches des autres membres de la famille. Sauf que le châssis de la MI superpose plusieurs de ces étoiles, et plus encore quand on l’installe sur le socle optionnel Olymp.

Chaque strate est un sandwich de bois « panzerholtz » entre deux plaques d’aluminium. La finition standard use des couleurs originales des matériaux avec un laquage sophistiqué du cœur en bois. Nous disposions de la finition noire avec aluminium anodisé sur les faces et « panzerholtz » laqué noir piano. Comme nous l’évoquions auparavant, le « panzerholtz » ou bois d’armure est un multiplis extrêmement rigide constitué de lamelles de hêtre et de résine synthétique assemblés à chaud et sous pression.

Quand on découvre pour la première fois la platine Master Innovation introduite au catalogue en 2015, on reste scotché par le poids total (une soixantaine de kilos) des trois cartons qui contiennent l’ensemble des éléments de cette platine. L’assemblage a été réalisé par l’importateur parfaitement rompu à ce type de montage. Une fois installée, la MI ressemble à deux platines posées l’une sur l’autre. Elle est en réalité constituée de deux blocs séparés reposant sur trois cônes à pointe ajustables en hauteur dans une configuration à plateaux multiples, un arrangement inauguré avec la Statement. La partie haute est la platine de lecture proprement dite. Le plateau en POM (polyoxyméthylène) de 70 mm d’épaisseur est posé sur un plateau en acier inoxydable épais de 15 mm. Ce dernier repose sur un roulement magnétique Clearaudio CMB (Ceramic Magnetic Bearing) avec un axe en céramique dans un palier en bronze. La répulsion magnétique évite tout contact de l’axe sur une quelconque bille, le plateau flotte ainsi sur un coussin d’air. L’axe du roulement traverse les deux strates du bloc supérieur pour supporter un second plateau lui aussi en POM épais de 300 mm et placé sous le bloc. La face inférieure de ce plateau reçoit une couronne de vingt aimants en néodyme, cet ensemble constitue la partie « réceptrice » de l’entraînement magnétique Clearaudio.

Juste en dessous, à quelques millimètres et pourvu lui aussi d’une couronne magnétique à vingt aimants en néodyme, fait face le plateau en POM épais de 40 mm du bloc inférieur. Entraîné au moyen d’une courroie par un moteur à courant continu placé sur un des trois pieds du bloc inférieur, ce plateau est la partie « motrice » de l’entraînement magnétique de la MI. Le moteur est isolé mécaniquement du reste de la platine, il est piloté par quatre poussoirs déportés avec rappel par diode LED (Stop, 33, 45 et 78 tours/minute). La précision de la vitesse de rotation est régulée par le Clearaudio OSC (Optical Speed System). Un capteur infrarouge voit son faisceau coupé par un anneau stroboscopique constitué de 1 500 barres noires placé sous le plateau du bloc inférieur. Le signal reçu par l’OSC permet d’ajuster en permanence la vitesse en temps réel. Un jeu de trois potentiomètres placé dans la tranche de « panzerholtz » juste sous le plateau permet d’ajuster très finement chacune des trois vitesses de base.

Les coulisses du bras

Le bras TT1-MI a été spécialement conçu pour cette platine. Il est livré en deux cartons d’un poids total de 8,6 kg, soit le mécanisme principal de mouvement tangentiel, d’une part, et le tube porte-cellule très court et très léger en fibres de carbone avec son contrepoids asymétrique, d’autre part. L’avantage du bras tangentiel par rapport au bras pivotant est qu’il ne présente en théorie pas d’erreur de lecture car la pointe est positionnée dans le sillon de manière idéale.

En pratique, c’est un peu plus complexe, mais fondamentalement, c’est l’idée. Le TT1-MI n’utilise ni le coussin d’air ni l’asservissement de position pour travailler. Non, il laisse le microsillon entraîner la pointe et donc le bras qui coulisse librement le long d’un rail par le biais de roulements miniatures à très faible friction. Le procédé est simple mais pas simpliste puisqu’il a été breveté par le constructeur. Le bras TT1-MI en forme de U inversé se fixe sur deux des piliers supports du bloc supérieur de la MI. Deux rails (un avec niveau à bulle intégré pour le coulissement par roulements du porte-cellule, l’autre servant de butée verticale à l’arrière) sont placés entre les deux colonnes supports qui coulissent le long de semelles fixées à la platine. Un pont supérieur en sandwich aluminium et « panzerholtz » accouple les deux colonnes, il reçoit par ailleurs les deux molettes de réglage fin du VTA (Vertical Tracking Adjustment) de la cellule, soit la position et donc l’angle vertical et horizontal de la pointe dans le sillon.

Une fois le bras monté sur la platine, le tube porte-cellule installé et la cellule vissée et connectée, la procédure de réglage du bras débute. Cette procédure a été menée à bien grâce à l’usage de la valise Analogue Toolkit (alignement visuel de la cellule par le disque « protractor ») et du disque Clearaudio « Trackability Test Record ». Ce vinyle de tests édité par Clearaudio aide au réglage délicat de l’antiskating et au peaufinage de l’angle vertical d’attaque de la pointe et de la force d’appui. L’accentuation de la force centrifuge quand le diamant se rapproche du centre du vinyle se traduit rapidement par de la distorsion sur l’un ou l’autre des canaux. Sur la MI, une simple intervention sur l’une ou/et l’autre des molettes VTA permet d’ajuster finement la contre-réaction mécanique avec des résultats assez stupéfiants en termes d’abaissement de la distorsion jusque vers la fin du sillon.

Écoute

Nous avions eu l’occasion de jeter une première oreille à la Master Innovation lors des journées « Portes Ouvertes » organisées en 2015 par Maplatine.com et Hamysound. Certes les conditions d’écoute étaient très différentes de celles de notre auditorium suresnois (pièce, système associé, câbles, disques), mais nous avions déjà noté une aptitude assez stupéfiante de ce tourne-disque d’élite à restituer tout et plus de ce que contenait le sillon des disques vinyles écoutés alors.

Réinstallé dans notre environnement quotidien de test, nous n’avons pas changé d’avis. Mieux, nous avons cerné encore plus précisément le profil de cet ensemble Clearaudio de compétition qui distille une musicalité hors du commun dans un confort d’écoute absolument unique. Les timbres ? Leur justesse est assez sidérante, avec une proposition harmonique parmi les plus justes jamais ressentie durant nos écoutes, tous types de source confondus. Le grave est linéairement exploré jusque très bas dans le spectre, avec un détourage extrêmement net des contours de notes. Le nuancier tonal est juste exceptionnel sur toute la large bande passante, le médium excelle en termes de saveurs, d’onctuosité et d’authenticité, l’aigu parfaitement intégré sans aucune pointe de brillance parachève le message jusque dans les harmoniques les plus élevés. La dynamique ? Sans limite, quel que soit le niveau d’écoute auquel nous avons sollicité le système.La répartition du grave à l’aigu et la plage de variation sont exceptionnelles. Jusque dans les extinctions de notes parfaitement lisibles grâce à un bruit de fonctionnement très, très bas.

La technologie « tangentielle » et la précision du réglage du bras et de la cellule prennent ici un sens fondamental dans l’obtention d’une musicalité absolue. Les attaques ? Redoutablement rapides, incroyablement franches. Beaucoup de rythme donc mais avec ce legato analogique tant redouté par le numérique. L’absence d’interaction vibratoire de la MI sur la lecture de la cellule aboutit à une réactivité sans « écho mécanique ». La scène sonore ? D’une ampleur grandeur nature, ou presque, avec un étagement étonnant en profondeur et une image en fer forgé.

Verdict

La configuration vinyle Clearaudio testée s’avère musicalement irrésistible. Quel que fussent le genre musical, la qualité de l’enregistrement, l’ancienneté du vinyle, le niveau d’écoute, impossible de détecter le moindre travers tonal, la moindre faiblesse harmonique, le moindre manque de rigueur dynamique. Et dire qu’il existe encore plus performant chez Clearaudio… Nous sommes toujours sous le charme, et nous nous contenterons malheureusement d’y rester vu l’investissement. Un système forcément coûteux mais inoubliable.

Fiche technique

Origine : Allemagne -
Prix :  19 990 euros(platine Master Innovation, finition noire)
          19 490 euros (bras TT1-MI, finition aluminium noir et bois laqué noir)
          6 490 euros (cellule Titanium V2 MC)
          9 990 euros (préampli phono Absolute Phono Inside)
          8 490 euros (meuble Olymp)

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