ENCEINTE
Le fabricant Magico dévoile son enceinte deux voies Mini en 2006, un superbe millefeuille de bois multiplis et d’aluminium massif dont la pureté de la ligne et les choix techniques font désormais référence. La colonne S1 s’inscrit dans cette même quête de vérité sonore par l’originalité de la conception.
On ne présente plus Alon Wolf, musicien à ses heures perdues et concepteur des enceintes Magico fabriquées dans la baie de San Francisco. Chaque modèle fait l’objet d’études extrêmement poussées et de nombreuses simulations à partir de logiciels très sophistiqués, certains ont même été créés pour des applications précises par Magico. Et pour arriver à ses fins musicales, le constructeur a décidé de fabriquer ses propres haut-parleurs et ses propres caisses en aluminium qui ressemblent, sur un modèle comme la Q7, porte-drapeau de la technologie Magico, à un gigantesque Meccano.
Le nec plus ultra acoustique
La colonne S1 est une enceinte deux voies à deux haut-parleurs. La charge close utilisée pour reproduire le registre de grave est un principe quelque peu délaissé par la concurrence. Or ce type de charge bien mis en œuvre avec le bon haut-parleur présente beaucoup d’avantages par rapport au traditionnel bass-reflex. On peut citer entre autres une diminution progressive et à faible pente d’atténuation de l’amplitude du signal, une surtension interne mieux maîtrisée et donc une diminution drastique de phénomènes de toniques ou de résonances prononcées de la caisse. Par ailleurs, cette faible surtension acoustique évitera d’exciter les résonances dans la pièce d’écoute (absence de bosses d’amplitude à certaines fréquences). La caisse de la S1 est réalisée pour la première fois au monde dans une structure monocoque en aluminium. Cette solution bien plus simple à mettre en œuvre que l’assemblage de plaques, de renforts et d’entretoises de la série Q a permis de diminuer le coût de production et donc le prix de l’enceinte. Ce « tube » d’une épaisseur de 1 cm est clos à ses extrémités par deux plaques vissées du même matériau. La section rappelle un triangle à sommets arrondis dont la base est le baffle support des transducteurs. Plusieurs plaques internes en aluminium sont positionnées sur la hauteur de l’enceinte et viennent renforcer sa structure. Leur géométrie en croix duplique le schéma déjà adopté sur les tranches en bois multiplis de la Mini. La finition standard est noir mat, mais l’enceinte est disponible en plusieurs laques de couleur M-Coat Gloss moyennant un supplément substantiel. Quatre pieds sont fixés sous l’enceinte, ils reçoivent des pointes massives réglables par une molette. Le grave médium est géré par un haut-parleur conçu pour la S1, le Magico Nano-Tec M390 de 18 cm et double aimant néodyme. La membrane d’un seul tenant sans cache-noyau est un sandwich de Rohacell entre deux couches tressées en nanotubes en carbone. La rigidité est extrême, l’apparition de résonance et de fractionnement située très au-delà de la bande reproduite. Le tweeter, identique à celui de la S5, flambeau de la série S, est un Magico MB30 à dôme en béryllium de 25 mm, déclinaison du modèle MBe-1 qui équipe la phénoménale Q7. Le filtrage est confié à des composants Mundorf dont l’assemblage est réalisé par le fournisseur allemand. On trouve des inductances à ruban cuivre et des condensateurs de la série Supreme. Le bornier simple de 6 mm en cuivre pur est aussi fourni par Mundorf.
Fabrication et écoute
Construction : La version testée nous a été livrée dans une finition laquée optionnelle. Elle est magnifique et donne presque envie d’acquérir les S1 rien que pour leur beauté naturelle. L’assemblage de tous les éléments de l’enceinte est parfait, millimétré, horloger. Les quatre bras et les quatre pointes particulièrement massives sur lesquels repose la colonne en aluminium alourdissent un peu le visuel, mais garantissent une stabilité et un chemin d’évacuation des vibrations redoutablement efficaces.
Composants : Une Magico est une enceinte exclusive par essence, et c’est cette philosophie qu’insuffle Alon Wolf dans chacune de ses créations depuis la Mini il y a dix ans. Bien qu’elle soit la moins coûteuse des Magico, la S1 ne déroge quasiment pas à cette règle avec ses haut-parleurs propriétaires dans un gant d’aluminium. Le filtrage qui provient de chez Mundorf reste la seule note « standard » du produit. Excusez du peu !
Grave : La charge close parfaitement optimisée pour le haut-parleur de grave à grande élongation nous est annoncée pour descendre à 32 Hz. À l’écoute de « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong, ce chiffre nous semble réaliste. La ligne de basse synthétique n’apparaît pas tronquée et se développe sans aucune tonique de boîte ni excitation gênante des résonances de la pièce même à niveau sonore confortable, là où ces défauts se manifestent fréquemment avec la plupart des colonnes bass-reflex. Même si le message manque d’un peu de tranchant et de fermeté, on savoure l’assise assez surprenante créée par cette « petite » colonne.
Médium : Nous avons constaté une chose durant nos sessions d’écoute des Magico S1, une impression que nous subodorions. Elle concerne le niveau d’écoute optimal d’une piste, le niveau qui installe l’atmosphère et les sonorités les plus proches de la réalité, tout au moins de celle qu’on s’imagine ou qu’on connaît. La S1 excelle dans ce sens grâce à l’osmose tonale et harmonique de ses deux haut-parleurs qui soudain, au niveau ad hoc, diffusent un message d’une parfaite cohérence. Un soupçon de déséquilibre émerge à niveau plus élevé, mais elles conservent une superbe expressivité à bas niveau.
Aigu : Le tweeter à dôme en béryllium MB30 regorge d’énergie et insuffle un véritable courant d’air frais au message. La définition dans le haut du spectre est saisissante de réalisme, on apprécie plus qu’à l’accoutumée les subtilités de la composition harmonique de chaque note (cuivres de batterie d’un naturel confondant sur « My Treasure » par Sinne Eeg). La montée en volume sonore s’accompagne d’une légère surdéfinition sans désagrément majeur sur le plaisir d’écoute.
Dynamique : La sensibilité basse et l’impédance nominale faible de la S1 invitent à une consommation modérée et raisonnable de la puissance de l’amplificateur. Cela dit, les possibilités d’élongation du grave médium et sa tenue en puissance permettent tout de même de lâcher la bride étant donné que la S1 n’est pas une charge complexe. La sensation de puissance instantanée sur des frappes de timbales ou de grosse caisse par exemple est très correcte. En revanche, c’est surtout la juste répartition dynamique sur tout le spectre qui contribue à la véracité du message.
Attaque de note : La musicalité de la S1 doit beaucoup à son tweeter dont la définition, la vitalité et l’expressivité exceptionnelles forgent la personnalité de l’enceinte extrêmement stable au sol. Dès les premiers instants d’écoute, on est interpellé par l’univers sonore aérien et aéré des Magico, par la quantité de détails qu’elles sont capables de restituer précisément grâce à l’intensité d’analyse du tweeter. Le charme opère et on lui pardonne volontiers un grave médium un poil timoré dont on aurait apprécié plus de vigueur.
Scène sonore : Le positionnement des Magico n’est pas compliqué, toutefois le respect de l’équidistance par rapport aux murs et le pincement des enceintes vers le point d’écoute améliorera la focalisation. La proximité des haut-parleurs montés sur le baffle étroit d’une enceinte aux parois arrondies favorise la régularité de la réponse polaire et donc l’holophonie du message diffusé. La scène sonore se répand dans la pièce selon les termes de l’enregistrement, l’image stéréo s’établit au plus près de la performance. Le public en attente de Patricia Barber sur l’introduction de « Gotcha » se répartit comme il se doit bien au-delà du cadre des S1.
Transparence : C’est sans doute le mot qui vient d’abord à l’esprit quand on écoute pour la première fois les S1. L’équilibre tonal d’une remarquable linéarité et la réponse en fréquences très étendue aux deux extrémités du spectre renforcent l’impression de neutralité qui se dégage de la restitution. Plus à l’aise sur des partitions acoustiques, la S1 demeure suffisamment convaincante sur des performances électroniques pour combler n’importe quel mélomane esthète.
Rapport qualité/prix : Pas franchement donnée et encore moins avec la laque optionnelle, la Magico S1 souffre ou profite de la réputation très haut de gamme de la marque. Chacun appréciera le tarif selon ses critères, mais personne ne peut nier la fabrication exceptionnelle du produit ou la qualité de l’écoute. On pourra préférer le bois, une écoute plus percutante, plus de sensibilité, plus d’émotion, un prix plus doux ou nous ne savons quoi d’autre, ça ne se discute pas. Cela dit, le fait est que la S1 par Magico démontre un potentiel musical tout à fait réel et remarquable. C’est in-con-tes-ta-ble !
Verdict
Votre serviteur attendait ce moment, cette rencontre avec impatience. Des Magico à disposition pour une écoute à volonté, ça n’arrive pas tous les jours. Après la découverte de l’objet de grande classe et d’une élégance distinguée, ce fut au tour de l’enceinte acoustique de nous séduire et de nous convaincre, et elle y est parvenue sans aucune difficulté. La S1 est une colonne hautement désirable qui rejoint le cercle restreint de nos diffuseurs préférés, sans considération de prix…
Fiche technique
Origine : États-Unis
Prix : 14 900 euros (2 900 euros en finition laque)
Dimensions : 250 x 1 170 x 230 mm
Poids : 43 kg
Réponse en fréquences : 32 Hz à 50 kHz
Sensibilité : 86 dB/W/m
Impédance nominale : 4 ohms
Puissance minimale recommandée : 50 W