ENCEINTE

PROAC RESPONSE D30R

Dévoilée au milieu de l’année 2013, l’enceinte Proac D30R est la version avec tweeter à ruban de la D30 qui s’intercale entre la D28 et la D40. Dernière enceinte en date du célèbre constructeur de Brackley, au nord d’Oxford en Angleterre, elle est équipée d’un nouveau haut-parleur de grave médium dont nous avons beaucoup apprécié la justesse de restitution.

Gamme la plus fournie au catalogue Proac, la série Response propose deux compactes, quatre colonnes dont deux, la D30 et la D40, qu’il est possible de commander soit avec un tweeter à dôme soit avec un tweeter à ruban (apparaît
alors le suffixe R), une voie centrale et un caisson de graves amplifié. La D30R continue la promotion des membranes en fibres de carbone entamée avec la D40 et la Carbon Pro 8, les deux plus gros modèles Proac. La maîtrise de ce matériau a beaucoup évolué ces dernières années et le constructeur a considérablement investi dans la recherche pour améliorer le comportement acoustique du carbone. La D30 comme la D30R ont logiquement bénéficié des résultats de ce programme.

Carbone et aluminium
La Response D30R a été conçue par Stewart Tyler. C’est une colonne au baffle support très étroit, dans la parfaite tradition Proac. L’étroitesse d’un baffle permet d’améliorer la réponse polaire et de diminuer les effets de diffraction liés à la réflexion de l’onde sur le baffle. Elle met en œuvre deux haut-parleurs dont un nouveau grave médium de 16 cm à membrane en fibres de carbone avec enduit polymère à l’arrière, et un tweeter à ruban en aluminium plissé de 6 cm de long pour 1 cm de large, identique à celui installé sur la D40R. La charge du grave est du type bass-reflex avec un évent cylindrique évasé à sa sortie qui débouche sous l’enceinte. Celle-ci repose sur un socle par l’intermédiaire de deux panneaux de bois positionnés sous le baffle et la face arrière. L’espace ainsi créé entre le fond de la colonne et le socle permet d’évacuer le flux d’air sur les côtés, limitant ainsi l’influence d’un positionnement près d’un mur arrière. On note que cette configuration était déjà adoptée sur le D40. Peu d’informations sont disponibles en ce qui concerne les performances réelles mesurées, néanmoins nous avons réussi à apprendre que la réponse dans le grave en chambre anéchoïque s’étend sans atténuation jusqu’à 40 Hz, ce qui est particulièrement remarquable pour un haut-parleur de ce diamètre. L’accord de la charge est situé aux alentours de 35 Hz. Les parois en médite sont plaquées d’essence de bois naturel disponibles en six finitions, quatre en standard et deux plus exotiques (bois de rose et ébène) en option avec supplément. La rigidité est satisfaisante grâce à des renforts internes placés à des endroits stratégiques, le tapotement des parois avec le doigt se traduit par des sonorités mates et rapidement amorties. Le socle est prévu pour recevoir quatre pointes réglables en hauteur, et nous recommandons de les utiliser sous peine de perdre de l’articulation dans les premières octaves et d’opacifier le haut grave. L’unité de grave médium est montée dans un saladier en fonte d’aluminium qui supporte la membrane à large cache-noyau central en tissu par le biais d’une suspension souple en demi-rouleau à longue élongation. Le tweeter offre une dispersion horizontale assez large qui limite la directivité. Le filtrage passif à masse séparée pour chaque transducteur ne met en œuvre que des composants triés sur le volet et le câblage interne est en cuivre désoxygéné multibrins. Le raccordement s’effectue par deux paires de bornes Proac reliées par une tige conductrice.

Fabrication et écoute

Construction : Les amateurs de Proac ne seront pas désorientés par la D30R qui ressemble à s’y méprendre à une… Proac. La colonne reprend le schéma « 2 voies » traditionnel du constructeur avec baffle support étroit et placage en essence de bois véritable. L’assemblage est impeccable avec le bornier double à l’arrière qui mérite des straps filaires. Le découplage au sol est efficace et à notre avis impératif pour une bonne maîtrise du registre de grave.

Composants : Le modèle R est équipé du tweeter à ruban fabriqué sur spécifications du fabricant britannique, et le haut-parleur de grave médium est un nouveau modèle développé pour les D30 (tweeter à dôme) et D30R. Le filtre de séparation à composants sélectionnés pour leurs qualités sonores adopte la configuration à masse séparée chère à Proac. Permettant le bi-câblage et la bi-amplification. La géométrie de l’évent est identique à celle utilisée sur la D40.

Grave : La fiche technique annonce un grave qui descendrait à 20 Hz. L’écoute des Proac ne laisse planer aucun doute quant à leur capacité à descendre bas, très bas, tout au moins plus bas que la grande majorité des colonnes actuelles dans un créneau de prix dépassant allègrement celui des D30R. On décèle assez vite une petite note chaleureuse qui apporte un soupçon d’emphase vers l’accord (enceintes placées assez loin des murs de notre salle d’écoute). La contrebasse (piste « My Treasure » par Sinne Eeg, The Dali CD3) paraît un peu plus volumineuse qu’à l’habitude, mais elle conserve des proportions et une ampleur des plus crédibles.

Médium : L’âme d’un Proac quelle qu’elle soit réside fondamentalement dans la justesse de sa réponse dans le médium. Et les D30R ne dérogent pas à cette règle érigée en principe, voire en art de concevoir, chez le constructeur. L’écoute d’une voix lyrique comme celle de Simone Kermès interprétant « Ha Vinto Amor » d’Antonio Caldera est un pur régal. Les nombreuses modulations vocales de la soprano sont restituées avec une texture et une épaisseur d’un réalisme rare dans l’absolu, la justesse tonale et la palette de détails sonores très variée accroissent la sensation d’avoir l’interprète devant soi. Le léger effet physiologique véhicule une touche de confort auditif qui n’est pas pour déplaire.

Aigu : Votre serviteur n’est pas du tout fervent du tweeter à ruban dont la mise en œuvre très souvent bancale (mauvaise fusion du registre, déséquilibre de la réponse en fréquences, etc.) se traduit par un aigu brillant, métallisant, artificiel. Quand nous avions testé la Proac K6, notre surprise fut double de constater l’adoption du ruban par le fabricant, d’une part, et la parfaite maestria avec laquelle il avait été utilisé, d’autre part. La D30R décline ce savoir-faire avec cette distinction et cette retenue toutes britanniques. L’aigu file haut sans accentuation et fusionne sans accident avec les autres registres. Hormis un léger manque de matière et d’énergie tout en haut, on peine réellement à déceler la moindre rupture de timbres.

Dynamique : Qui aime bien (voire beaucoup) châtie bien (juste un peu). La dynamique n’est pas le point le plus fort, le plus évident des D30R. Soyons clairs. L’écoute de musique moderne à forte teneur en impacts de batterie ou de musique classique très chargées en percussions reste des moments intenses de plaisirs musicaux même si on sent qu’il n’y pas toute l’énergie habituelle sur ces passages transitoires. Les micromodulations sont parfaitement explorées et chaque partition est reproduite avec une belle authenticité. Néanmoins l’expressivité des D30R est à son meilleur à partir d’un certain volume d’écoute qui reste, soit dit en passant, peu élevé.

Attaque de note : La qualité des timbres d’une enceinte dépend étroitement de son aptitude à « démarrer » quand une note se présente au(x) bornier(x). Non seulement les transducteurs doivent être réactifs, mais le filtrage ne doit ni constituer un bouchon pour le signal ni aiguiller les fréquences en dépit du bon sens. L’étude des D30R a visiblement respecté ces deux principes de base, car le développement de chaque note se déroule avec une précision quasi horlogère. Il en découle précisément un dégradé harmonique ordonné qui révèle un éventail de couleurs et de détails propre à chaque piste en écoute.

Scène sonore : La présentation spatiale des D30R est vraisemblablement un modèle du genre pour une enceinte colonne. L’utilisation de deux haut-parleurs à la manière d’une bookshelf sur pied n’y est sans doute pas étrangère. On reste étonné par l’ampleur de la scène dans les trois plans géométriques et par l’aération spécifique à chaque performance. L’image stéréo très stable s’épanouit selon le contenu de la performance, soit dans l’espace et en dehors du cadre des colonnes en situation « live » (« Gotcha » par Patricia Barber), soit plus intimement en situation « studio » (« Animal » par Francis Cabrel). Aux antipodes du reproducteur stéréotypé, la D30R ressemble à un caméléon sonore qu’il faudra néanmoins écouter à un certain niveau pour en apprécier pleinement le potentiel. D’ailleurs, avec un tel bouquet de qualités, pourquoi écouter en sourdine ?

Transparence : À l’heure du bilan acoustique, les comptes sont rapidement faits. Justesse des timbres, registres de fréquences en parfaite fusion, bande passante subjective en rapport avec la réalité, scène sonore « comme si vous y étiez » ou presque, en d’autres termes une belle brochette de caractéristiques qui placent la Proac D30R dans le peloton de tête de sa catégorie en termes d’écoute. Le grave légèrement chaleureux confère un supplément de moelleux au message sans toutefois en dénaturer la délicatesse.

Rapport qualité/prix : Proac n’a jamais fait dans la démesure technique ni dans l’extravagance esthétique. Une enceinte sert essentiellement à reproduire la musique de la manière la plus fidèle possible et doit être capable de se marier à une grande majorité d’électroniques sans souci majeur d’adaptation. Dans cette perspective, la maison applique les recettes qui ont établi la réputation de la marque (deux voies en compacte ou, comme ici, en colonne étroite) et même si des améliorations sont apportées sur cette D30R, le prix reste globalement mesuré. Tant pis si l’esthétique très sage délaisse l’audace pour le classicisme pourvu que l’écoute flatte nos tympans.

Verdict
La Proac D30R fait partie des enceintes dont on ne doute plus des qualités intrinsèques dès qu’elles commencent à chanter. Discrète dans sa robe d’essence de bois naturelle pourvue d’une simple paire de haut-parleurs, elle n’en impose pas visuellement comme certaines concurrentes habillées de laque brillante comme un miroir et équipées de multiples transducteurs. En revanche, son authenticité et sa cohérence musicales s’imposent avec une évidence naturelle à laquelle l’artifice visuel d’une somptueuse finition ne peut se substituer. La D30R est une colonne qui vous transportera au cœur de la musique et ce sera la considération essentielle à conserver à l’esprit au moment de la décision d’achat.

Fiche technique
Origine : Royaume-Uni
Prix : 6 500 euros
Dimensions : 1 041 x 215 x 266 mm
Poids : 24 kg
Haut-parleurs :
grave-médium 165 mm,
aigu à dôme 25 mm
Réponse en fréquence : 20 Hz à 30 kHz
Puissance admissible : 200 W
Sensibilité : 89 dB/W/m
Impédance nominale : 8 ohms

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