Fabrication et écoute
Toutes nos écoutes ont été réalisées à partir de CD, nous ne disposions malheureusement pas de platine vinyle pour effectuer des écoutes sur l’entrée phono.
Construction : La prise en main au sens propre du Sigma 160i donne confiance. L’appareil est fabriqué selon la tradition américaine du matériel qui résiste à toute épreuve. La finition originale du châssis en peinture mate et vermiculée confère un look aux accents professionnels. L’intérieur fait tout de même un peu désordre avec tous ces câbles tirés au plus court et donc au plus direct. Certaines décisions d’implantation, comme celle de raccorder par paire torsadée chacune des entrées vers le sélecteur en face avant, bénéficieraient peut-être à être reconsidérées.
Composants : L’ésotérique pour l’ésotérique n’est pas de mise chez VAC qui préfère des composants classiques mais réputés pour leur fiabilité et leur musicalité. On apprécie le choix des résistances de marque Dale, de la connectique Cardas de haute qualité et de certains tubes N.O.S installés à des endroits stratégiques du schéma. Le choix de l’aluminium pour le châssis évite les phénomènes de perturbation d’ordre magnétique.
Grave : Le push-pull de KT88 dispense un excellent travail dans la reproduction des premières octaves. Le registre de grave est restitué avec une grande tension des notes et une articulation de belle facture. Sur « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong, la basse synthétique est distillée avec de l’autorité, sans aucune emphase particulière. Les haut-parleurs sont ainsi bien contrôlés. L’extrême grave est discret mais l’épaisseur du message dans le grave procure déjà une assise convaincante.
Médium : Le Sigma 160i ne peut longtemps cacher son incontestable personnalité. La balance tonale n’est pas totalement linéaire et, à l’écoute, ça se traduit par une légère accentuation de la zone médium autour de 2 kHz environ. Un subtil effet de présence s’ajoute au message par ailleurs bien timbré et bien nuancé. Sur « My Treasure » par Sinne Eeg, la chanteuse scandinave semble plus proche de nous et cette proximité virtuelle illumine quelque peu la performance. On ne perd par ailleurs rien des intonations et des variations de sa voix qui ne revêt aucun caractère chaleureux.
Aigu : L’extension dans les hautes fréquences du VAC ne correspond pas vraiment à ce qu’indique la fiche technique de l’appareil. Le dégradé harmonique reste très cohérent en termes d’amplitude par rapport au rang, à l’exception près des harmoniques supérieurs qui paraissent rabotés. Même si cela se ressent dans les extinctions de notes moins chatoyantes qu’à l’accoutumée, le socle fondamental de celles-ci n’est jamais entamé et permet de préserver une limpidité tout à fait satisfaisante au message. La pipa de Zhao Cong sur « Moonlight on Spring River » s’étoffe un soupçon d’épaisseur subjective tout en se libérant d’un zeste de l’acidité qu’on lui connaît habituellement.
Dynamique : Sur ce critère aussi, le Sigma 160i marque son territoire et se distingue de pas mal de ses confrères à KT88 et autres push-pull par une dynamique revigorante et musclée. Sur la piste « Animal » par Francis Cabrel, les impacts de la boule sur la grosse caisse n’ont intrinsèquement pas grand-chose à envier à ceux qu’imprime notre bloc stéréo repère à transistors. Le poids de la boule percutant la peau est particulièrement bien rendu et on se laisse aller à monter le niveau. La répartition modulatoire à bas niveau d’écoute s’avère satisfaisante avec une bonne lisibilité.
Attaque de note : Le caractère volontaire ressenti en termes de dynamique se retrouve également au niveau de la spontanéité avec laquelle l’intégré VAC restitue les partitions. Les attaques de notes sont nettes et franches, la répartition harmonique se libère en insufflant de la matière et de la texture au message. Le filé est un poil mesuré dans le haut du spectre, mais la résolution subjective s’avère convaincante et crédible, à défaut d’être ultra-haute. Mais l’écoute du Sigma 160i s’apprécie précisément par la synthèse musicale imprégnée d’authenticité de son message, par son expressivité loin des fouillés chirurgicaux et décharnés des amplificateurs « hifi ».
Scène sonore : On note sur ce critère quelques différences avec ce que nous avons l’habitude d’entendre, mais cela ne signifie en rien que le VAC soit en décalage avec la vérité. Quelle vérité d’ailleurs ? La distance entre l’interprète et l’auditeur a légèrement diminué, ce qui n’est pas pour déplaire. Quand Patricia Barber interprète « Gotcha » en live, nous nous trouvons plus près de la scène, l’effet de présence constaté dans la zone médium accentue l’illusion d’être sur place. Les proportions spatiales sont respectées, la localisation des artistes est aisée, les plans sonores sont étagés avec une excellente précision. L’image stéréo se positionne de manière stable selon les données contenues dans le support, signe d’une excellente neutralité de comportement.
Transparence : L’intégré américain n’est assurément pas le plus transparent des amplificateurs à tubes que nous ayons testés. En revanche, c’est un de ceux qui nous a le plus interpellés et le plus séduits grâce notamment à son équilibre tonal légèrement différent. La légère mise en avant dans le médium favorise une restitution plus atmosphérique et plus présente, aux antipodes des écoutes académiques, tirées au cordeau et forcément ennuyeuses de nombreuses électroniques plus alléchantes sur le papier. Le Sigma 160i assume cette « différence », notamment sur les partitions modernes qu’il endiable avec beaucoup de classe.
Qualité/prix : Les push-pull de tubes en général et de KT88 en particuliers sont assez nombreux sur un marché où on les trouve dans une tranche de prix allant du simple au décuple. L’intégré VAC se détache techniquement de la moyenne avec entre autres une puissance efficace élevée, une entrée phono MM de série et des détails techniques dont des tubes N.O.S, qui importent sur les résultats finaux d’écoute. La somme demandée n’est pas anodine, mais le Sigma 160i dispose d’arguments sérieux pour la justifier.