AMPLI INTEGRE

JADIS I50

Le tube reste un composant d’actualité sonore. Le constructeur Jadis n’en a jamais douté et nous propose encore aujourd’hui cet intégré I50 à base de tétrodes de dernière génération. Et l’appareil est même équipé d’une entrée numérique. En phase avec son temps.

Cela fait trente et un ans que la société Jadis a été créée. De la fabrication à l’unité des débuts, l’entreprise dut rapidement s’adapter à une construction en quantités plus élevées après le succès qu’elle rencontra un peu partout dans le monde. Ce succès ne se dément toujours pas aujourd’hui avec une production qui s’exporte en majeure partie. Le catalogue actuel est extrêmement fourni en matériel avec trois sources et de nombreuses électroniques à tubes, dont des convertisseurs DAC, des préamplificateurs, des blocs de puissance et des intégrés. Le I50 est le plus récent des intégrés, qui inaugure quelques nouveautés technologiques.

KT et USB
Bien qu’il soit le fruit des plus récentes réflexions du constructeur de l’Aude, l’intégré I50 a été installé dans un châssis qui respire bon l’esthétique Jadis, cette esthétique que le fabricant a adoptée dès la première heure et qui fait toujours rêver les audiophiles du monde entier. Ce châssis (cage et fond) est réalisé dans de l’acier inoxydable poli miroir très épais. La face avant est doublée d’une plaque en métal doré et poli miroir lui aussi, avec sérigraphie noire de toutes les indications relatives au nom de l’appareil et aux commandes. Celles-ci, au nombre de quatre, se déclinent selon la séquence suivante : interrupteur de marche/arrêt puis molettes plaquées or de volume motorisé, de balance et de sélection d’une des cinq sources. Les neuf tubes, les trois transformateurs, conçus et fabriqués chez Jadis, ainsi que quelques éléments de la régulation haute tension (dissipateur et condensateurs) et le bulbe récepteur de la télécommande émergent au sommet du boîtier. Les tubes sont recouverts par une grille de protection amovible maintenue par vissage. On note deux doubles triodes à gain élevé 12AX7 et deux doubles triodes à gain moyen 12AU7EH, puis l’alignement de quatre nouvelles tétrodes chez Jadis : la KT150 d’origine Tungsol Russie, montées en simple push-pull sur chaque voie et dotées d’une enveloppe de verre en forme d’œuf qui améliore la dissipation thermique. Les étages de gain et le driver reprennent une configuration classique et similaire aux autres schémas push-pull du constructeur. Le schéma de l’étage de sortie a lui été peaufiné autour des KT150. Capable de frôler les 300 W en push-pull classe AB, le tube a été utilisé par Jadis dans une autre perspective puisqu’il a été polarisé en pure classe A et dans une zone de fonctionnement très linéaire. Au final, ce sont 50 W de haute qualité par canal qui sont proposés par le I50. L’autre surprise concerne la présence d’une entrée numérique USB compatible 16/48 et donc d’un convertisseur intégré. Ce DAC concentré autour d’un chip CS4398 et d’une puce CM102S pour le décodage USB est de provenance externe afin, comme l’évoque le constructeur, de proposer une solution musicale et moderne sans alourdir le budget final. L’implantation interne adopte le câblage en l’air, une institution chez Jadis. L’alimentation à régulation série est filtrée par une cellule à inductance en tête. La connectique haut-parleurs offre deux paires de fiches montées en parallèle sur chaque canal.

Fabrication et écoute

Construction : Jadis fait partie des figures emblématiques du haut de gamme français dans le monde. La marque doit sa réputation aux qualités musicales de ses produits, bien entendu, mais aussi à leur esthétique à nulle autre pareille. Le I50 ne déroge pas à la règle du châssis en inox et du placage or 24 carats qui mêle classicisme et une certaine élégance. Le câblage interne, principalement réalisé en l’air, ne présente pas tout à fait le même soin que la présentation extérieure. L’implantation reste néanmoins dictée par la recherche du trajet le plus optimal du signal.

Composants : L’autre point important d’une électronique Jadis est la qualité de ses transformateurs tous réalisés in situ et calculés précisément aux spécifications requises. Les composants passifs mis en œuvre suivent la même règle que le constructeur s’impose depuis le premier appareil. Ils sont bien entendu de qualité, disponibles sur catalogue et ils répondent aux normes en vigueur. L’arrivée d’une entrée numérique est « la » principale nouveauté de ce modèle qui par ailleurs adopte des tétrodes de dernière génération sur son étage de sortie.

Grave : Contrairement à beaucoup de fabricants qui essaient de tirer un maximum de puissance de leurs électroniques, Jadis a préféré jouer la qualité et la fiabilité. Les 50 W en classe A annoncés pour les KT150 indiquent que les tubes travaillent en régime de croisière, néanmoins leur point de fonctionnement a été optimisé pour qu’ils fonctionnent de manière optimale à l’endroit où ils sont électriquement ancrés. Le registre de grave affiche une bonne santé, il descend bas, très bas même, avec un certain confort mais sans emphase ni tension robotique. La basse synthétique sur « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong explore les octaves basses avec un bon niveau et une articulation correcte.

Médium : C’est surtout dans cette zone de fréquences que le I50 donne toute la mesure de ses possibilités. Le point de fonctionnement et la polarisation des KT150 en sortie diffèrent de ce qu’on peut trouver sur les produits concurrents, et cela s’entend. Nous n’avons que très rarement entendu des tétrodes en général et ces tétrodes en particulier sonner de la sorte dans le médium. La justesse de timbres est tout à fait excellente, le délié des notes et leur naturel insufflent une grande souplesse et une belle aération au message. Les violons baroques sur « Ha Vinto Amor » interprété par Simone Kermes ont une teneur harmonique très bien documentée. Sur ce test piège, leur sonorité naturelle légèrement âpre ne verse jamais dans l’aigreur ou la verdeur.

Aigu : Sur ce registre également, le I50 fait la différence avec une grande majorité de push-pull. En effet, ce genre de circuit, dont on cherche à extraire de la puissance et par conséquent polarisé en classe AB, est généralement affublé d’un aigu légèrement typé dont le filé manque de précision, de lisibilité, tout au moins de la précision et de la lisibilité d’un bon schéma simple étage, éternel repère en la matière. L’intégré Jadis arrive à créer le compromis et nous gratifie d’un haut de spectre d’une grande douceur et au fouillé surprenant y compris à la lecture de fichiers dématérialisés, signe d’une interface USB musicale. Sur « Gotcha » en live par Patricia Barber (fichier WAV 16/44), les sifflantes émises par la chanteuse restent gracieuses et extrêmement lisibles, les cuivres de batterie distillent des sons très fluides, très déliés et très palpables. Le compte harmonique est bon.

Dynamique : « Dis-moi comment tu alimentes ton circuit, je te dirai comment il est susceptible de sonner » pourrait être un des dix commandements de l’électronique haute-fidélité. Le constructeur a retenu la haute tension régulée pour la très grande stabilité des points de fonctionnement des composants actifs. Flanquée d’une bonne réserve d’énergie en sortie, cette alimentation permet au I50 de maîtriser les appels transitoires avec beaucoup d’aplomb et de sérénité. Les frappes de boule de grosse caisse (« Animal » par Francis Cabrel) sont délivrées avec une puissance subjective très crédible. À l’autre extrémité de l’échelle des décibels, les balbutiements de Simone Kermes sur « Ha Vinto Amor » conservent une remarquable intelligibilité.

Attaque de note : Sur cette même piste « Animal », les impacts des baguettes sur la caisse claire claquent avec une grande instantanéité. La peau frappée émet une première sonorité franche. Puis s’établissent les résonances de la caisse, variées, diverses et qui durent dans le temps. C’est le signe d’une excellente réactivité du I50 avec un dégradé harmonique étendu en rangs et correctement amorti en amplitude. Les notes se développent et s’éteignent sans contrainte particulière, le rendu ni crispé ou faussement urgent s’avère assez authentique.

Scène sonore : Nous avons été séduits par la présentation spatiale de l’intégré français qui marche sur les traces des amplificateurs à triodes en termes d’aération générale et d’effet holographique. Le piano de Simone Dinnerstein interprétant le largo du Concerto n° 5 de J.-S. Bach prend précisément place légèrement sur la gauche devant l’orchestre. On évalue assez aisément, par la hauteur des notes des instruments qui le composent, la distance en profondeur qui sépare l’orchestre et le piano. L’image très stable s’établit en dehors des enceintes si la partition l’exige.

Transparence : Le Jadis I50 est un des intégrés push-pull les plus transparents que nous ayons pu écouter à ce jour. Il propose un équilibre d’une très grande linéarité et une balance tonale particulièrement juste qui place en concordance subjective les deux extrémités de son spectre sonore. Son extrême grave « grand tourisme » est en adéquation avec un extrême aigu qui privilégie le fouillé organique à la chirurgie analytique. On croit vraiment à ce qu’on entend.

Qualité/prix : Le prix demandé ne nous a pas semblé exagéré compte tenu de la fabrication artisanale de qualité et française du produit d’une part, et des performances musicales obtenues d’autre part. L’entrée USB ouvre la connectivité du Jadis aux sources d’aujourd’hui. La puissance qu’il délivre lui permet de piloter la majorité des enceintes domestiques actuelles, donc aucun souci majeur de compatibilité n’est à craindre.

Verdict
Cela faisait un certain temps que nous n’avions pas eu de Jadis au magazine. Avec le I50, le constructeur fait un premier pas vers l’électronique tout-en-un ou presque.
Outre l’esthétique unique de l’appareil dont même les Japonais, audiophiles devant l’Éternel, ne se lassent pas, cet intégré embarque un circuit soigneusement mis au point par l’équipe de Villedubert assorti de la possibilité d’être connecté à un ordinateur. La haute musicalité est au rendez-vous, elle ne décevra ni les aficionados de la marque ni les très probables nouveaux acquéreurs qui seront certainement attirés par un prix somme toute mesuré pour un tel bouquet de qualités sonores.

Fiche technique
Origine : France
Prix : 8 100 euros
Dimensions : 485 x 330 x 345 mm
Poids : 32 kg
Puissance nominale : 50 W en classe A (8 ohms)
Entrées analogiques : 4 RCA (ligne)
Entrée numérique : 1 USB B (16/48)
Sorties : 4 paires de fiches HP (2 en parallèle par canal)

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