PREAMPLI & BLOCS MONO

AYON POLARIS III & ORTHOS XS

Ces nouvelles électroniques particulièrement abouties et innovantes affichent des spécifications techniques étourdissantes. Plutôt que des chiffres à la signification très relative, c’est par l’écoute que nous avons découvert des bêtes aussi féroces que subtiles.  

Les électroniques à tubes vraiment différentes, radicales mais musicalement envoûtantes sont assez rares à dénicher. Celles de l’autrichien Ayon sont incontestablement de cette race, et ce ne sont ni le préamplificateur Polaris III ni les blocs mono Orthos XS qui nous feront penser le contraire. Au contraire ! Les technologies propriétaires dont le circuit AC Regenerator équipant l’alimentation du préampli ou le bestial quintuple push-pull de KT150, nouvelle arme de bataille du constructeur, sont bel et bien à l’origine de la remarquable musicalité de ces imposantes machines.

Préampli Polaris III

Ce préamplificateur se situe au milieu d’une gamme constituée de cinq références. Il bénéficie comme les modèles Spheris d’une alimentation séparée et se trouve ainsi installé dans deux boîtiers indépendants. Réalisés par un assemblage de plaques très épaisses en aluminium disponible soit en finition anodisée noire soit chromée comme tous les châssis du constructeur autrichien, ils reposent sur des pieds en aluminium qui absorbent les résonances. Leur capot reçoit six fenêtres à grilles en inox qui facilitent l’évacuation de la chaleur dégagée par les tubes. Les étages de préamplification de type ligne sont complétés d’une section phono RIAA pour cellule MC telle que livrée sur le Polaris III testé, mais le préamplificateur est disponible sur demande sans cette entrée. Ils sont installés dans le boîtier qui comporte trois molettes en face avant (sélection des sources par relais, volume et balance) plus un afficheur de volume à diodes LED à segments et deux diodes LED indiquant la mise en sourdine et la mise en service par l’interrupteur sous le châssis d’alimentation. La connectique arrière inclut une paire de RCA destinée à recevoir des inserts d’adaptation d’impédance selon la cellule utilisée. Un interrupteur à levier permettra de raccorder ou pas la terre électrique au 0 V électronique. Le second boîtier embarque tous les composants et les circuits d’alimentation et est relié au châssis préamplificateur par un ombilic à connecteurs multibroches. Une télécommande duplique les fonctions courantes.La topologie du schéma de préamplification est ultra-simple avec un seul étage de gain sans aucune contre-réaction négative et un unique condensateur de liaison en sortie de cet étage. Le réglage de volume TVC (pour Transformer Volume Control) agit directement à la sortie avec une atténuation de -42 dB par pas de 1 dB. Il est effectué sur chaque canal par un transformateur atténuateur dont les sorties multiples sont commutées par des relais, et permet un réglage de balance à ± 0,05 dB. L’étage de gain en tête de TVC est confié à un tube réputé pour ses qualités sonores et pour sa fiabilité (durée de vie supérieure à 10 000 heures), il s’agit d’une pentode N.O.S Siemens C3m câblée en pseudo-triode. L’étage phono est réparti sur deux cartes. Sur chacune d’elles, un transformateur adaptateur d’impédance Lundhal envoie le signal amplifié vers un circuit à deux tubes (C3m et 6H30) et égalisation RIAA passive (condensateurs styroflex et résistances de précision à film). Tous les tubes sont montés sur des supports à contacts cuivre/béryllium spécialement fabriqués pour Ayon. La sortie symétrique est réalisée par un transformateur Lundhal. Une section de filtrage supplémentaire de type RC pour l’alimentation HT et trois régulateurs de tension filament peaufinent les tensions depuis le châssis d’alimentation. Quant au boîtier d’alimentation, il met en œuvre la technologie active AC Regenerator (non installée sur la version précédente Polaris II) qui consiste à générer une tension sinusoïdale à l’enveloppe saine, d’une part, et à l’isoler efficacement du secteur pour limiter toute intrusion de pollution électrique, d’autre part. Un premier transformateur torique raccordé au secteur envoie sa tension secondaire vers les circuits Regenerator installés sur une carte imprimée sous laquelle on distingue plusieurs transistors de puissance. Après traitements de remise en forme et de nettoyage, le signal sortant de cette carte est envoyé vers un second transformateur torique dont le secondaire HT attaque un redresseur à quatre valves N.O.S Adzam CV135. Le filtrage HT est confié à une cellule de type LC.

Bloc mono Orthos XS

Le XS est la troisième mouture des blocs Orthos conçus initialement avec des KT88 par Gerhard Hirt, tête pensante chez Ayon. Il reprend la disposition traditionnelle de l’amplificateur de puissance à tubes avec un châssis plus profond que large et haut en plaques épaisses d’aluminium reposant sur des pieds en aluminium. La face avant est gravé du logo Ayon avec rétroéclairage rouge (clignotant pendant le préchauffage puis fixe ensuite). Le demi-quintal du bloc s’explique par la quantité de composants lourds qui l’équipent. Outre les quatorze tubes dont dix pentodes KT150, deux pentodes 6SJ7 et deux doubles triodes de la série 12Axx, ce sont essentiellement les trois énormes transformateurs sous fûts chromés remplis de matériau absorbant (alimentation et sortie) qui lestent l’appareil. On imagine aisément la taille de leur circuit magnétique sachant que l’appareil délivre en classe A la bagatelle de 300 W efficaces sous 8 ohms en mode pentode ou 150 W en mode triode, commutable par un bouton situé sur le châssis. La face arrière inclut notamment trois fiches HP Ayon, les RCA et XLR d’entrée et un interrupteur de gain 0 ou -6 dB. On trouve par ailleurs un sélecteur rotatif et l’accès à un potentiomètre qui permettront le cas échéant de régler la polarisation semi-automatique de chacun des dix tubes de sortie en s’aidant du petit galvanomètre placé devant les tubes. L’alimentation intègre deux transformateurs, des sections de redressement et de filtrage séparées pour chaque étage dont un filtrage double LC pour la HT des KT150 et des condensateurs électrochimiques à stockage d’énergie élevé. Les filaments disposent de circuits de régulation séparés. À noter que la mise sous tension est séquentielle et s’établit sur une minute environ. Quant au circuit symétrique, il a été redessiné mais conçu aussi simple et direct que possible. L’étage d’entrée est constitué d’une double triode 12AX7 pour le gain et d’une double triode 12AU7 pour l’adaptation d’impédance avant les deux pentodes 6SJ7 en drivers des deux bras de cinq KT150 du push-pull de sortie. Aucune contre-réaction négative n’est appliquée le long du schéma.  

Fabrication et écoute

Construction : L’esthétique des électroniques Polaris III et Orthos XS en version anodisée noire affiche une certaine élégance. Malgré une taille imposante, les blocs et leur armée de tubes et de transformateurs présentent un visuel tout à fait acceptable. Le travail d’implantation interne est réalisé avec beaucoup de professionnalisme.

Composants : Beaucoup de choix technologiques très intéressants et très pertinents sont installés dans ces deux électroniques. Les tubes N.O.S (pour New Old Stock) placés à des endroits précis des circuits ont été volontairement retenus pour leur supériorité sonore et leur grande fiabilité. N’est-ce pas la preuve d’une conception aboutie ?

Grave : Nous n’avons jamais eu l’occasion de passer en revue des blocs à tubes aussi puissants. Associé au préampli Polaris III à très faible impédance de sortie, c’est important, l’ensemble Ayon développe un message particulièrement pêchu mais toujours riche en informations. Quel que soit le mode pentode ou triode utilisé, le grave est probablement le plus articulé que nous ayons obtenu avec une électronique à tubes à ce jour. L’extrême grave en retrait (introduction à l’orgue, Cantate Domino) ne gâche jamais le plaisir permanent d’écoute.

Médium : La mise en parallèle de tubes et le montage en push-pull multiple n’ont jamais été les configurations les plus justes en timbres. Cependant les résultats obtenus avec les blocs Ayon s’avèrent réellement bluffants en termes de richesse tonale et de palette harmonique. Le mariage avec le préamplificateur à simple étage et atténuateurs de volume à transformateurs s’avère somptueux. Notre préférence va au mode triode à la restitution plus organique (présence confondante de la soprano Marianne Mellnäs, Cantate Domino) et plus fluide.

Aigu : Aucune agressivité ne vient troubler le message proposé par les Ayon dans le haut de la bande audible. Les sifflantes de voix (Patricia Barber, CD Gotcha) ou les cuivres de batterie (« My Treasure » par Sinne Eeg) restent distincts et ciselés sans la moindre trace de chaleur (triode) ou de brillance artificielle (pentode). Sur les messages orchestraux complexes, les passages fortissimo n’engendrent aucune stridence, phénomène souvent rencontré sur le matériel à tubes moins puissant et moins qualitatif qui intermodule dès que le signal musical devient exigeant.

Dynamique : Les capacités en courant des blocs Ayon sont absolument redoutables et nous nous sommes amusés à pousser les blocs dans leurs retranchements, pas les derniers car nous avons jeté l’éponge bien avant. Dans les deux modes, ça pousse très fort en toute décontraction sans qu’on atteigne une quelconque limite audible sur les transitoires (impacts explosifs des baguettes sur la caisse claire, « Animal » par Francis Cabrel). Idem sur les micromodulations (clochettes, « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong) restituées avec un remarquable développement harmonique.

Attaque de note : Non seulement ça pousse mais ça accélère aussi ! Sur le largo du Concerto n° 1 de Bach, l’impact des marteaux sur les cordes du piano sonne de manière extrêmement nette. Cette franchise des attaques permet à l’instrument de retrouver une véritable identité en plus d’une place stable et très focalisée dans l’espace à gauche du Kammerorchester Staatskapelle de Berlin. Rare pour un montage push-pull avec autant de tubes.

Scène sonore : L’ensemble Ayon s’est révélé très précis et très crédible dans la présentation spatiale. La générosité des transitoires documente la déclinaison harmonique, la richesse tonale de chaque note, de chaque son émis. L’écoute en devient plus authentique, plus naturelle, plus holographique. L’atmosphère de chaque enregistrement ressort avec beaucoup de réalisme et l’auditeur pénètre virtuellement sur les lieux de la performance. L’effet de présence de la soprano Marianne Mellnäs dans la chapelle (Cantate Domino) est magnifique, on aperçoit devant soi l’interprète et les multiples réverbérations générées par l’édifice donnent instantanément une idée précise de son volume, de ses dimensions.

Transparence : Le préamplificateur Polaris III nous a gratifiés d’une restitution très neutre, très charnelle, très dense. L’association aux blocs Orthos XS produit un double effet. La recherche de rapidité et de puissance instantanée s’accommodera mieux du mode pentode, alors que le mode triode va un poil plus loin en raffinement tonal et en spatialisation. Dans les deux cas, la restitution fondamentalement musicale, émotionnelle n’est pas sans rappeler celle d’un montage single-ended.

Verdict

Cet ensemble autrichien à tubes Ayon sort des sentiers battus. Le préamplificateur Polaris III adopte un schéma audio pur et simple encadré d’une alimentation extrêmement sophistiquée. En audio, l’alimentation joue toujours un rôle prépondérant dans les résultats sonores d’une électronique, et on comprend pourquoi le Polaris III sonne si bien. Les blocs Orthos XS quant à eux montrent et démontrent que les tubes sont toujours capables du meilleur. Avec une puissance de sortie phénoménale et une restitution haute couture qui sait aussi faire dans la dentelle, ils se hissent sans problème au sommet de la hiérarchie actuelle de l’amplification à tubes. Et ce que nous avons entendu suffit à affirmer que ces électroniques disposent de sérieux atouts sonores pour arriver à séduire les « transistoristes » les plus convaincus. Une écoute de ces Ayon s’avère nécessaire et recommandée pour tous ceux qui envisagent d’investir dans des éléments séparés de très haut de gamme toutes technologies confondues.  

Fiche technique

Origine : Autriche

Prix : 23 500 euros (Polaris III avec entrée phono MC), 20 000 euros (Polaris III version ligne), 23 995 euros la paire (blocs Orthos XS en KT150), 19 995 euros la paire (Orthos XS en version KT120)

Dimensions : 500 x 110 x 430 mm (bloc préampli, bloc alimentation préampli), 350 x 250 x 610 mm (bloc Orthos XS)

Poids : 33 kg (Polaris III complet), 50 kg (bloc Orthos XS) Préamplificateur Polaris III

Réponse en fréquence : 0,5 Hz – 400 kHz (ligne)

Distorsion : < 0,01 % (ligne), < 0,1 % (phono)

Impédance d’entrée : 1 M (RCA/XLR)

Niveau de sortie : 40 V RMS (30 ohms)

Rapport signal sur bruit : > 96 dB

Entrées : 5 RCA, 1 phono MC, 1 XLR

Sorties : 2 RCA, 1 XLR Bloc mono Orthos XS

Puissance nominale : 300 W/180 W en classe A (pentode/triode, 4 et 8 ohms)

Réponse en fréquence : 15 Hz – 50 kHz Distorsion : < 5 % (1 kHz, 100 W 8 ohms)

Sensibilité : 1,2 V (47K RCA/XLR)

Entrées : 1 RCA, 1 XLR

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