AMPLI INTEGRE

ACCUPHASE E-600

Le nouvel intégré E-600 emprunte aux mêmes standards qualitatifs que les électroniques exceptionnelles élaborées par Accuphase pour le 40e anniversaire de la marque. Son schéma en classe A affiche des performances techniques tout à fait remarquables. Quid de l’écoute ?  

Accuphase reste un des leaders actuels du schéma analogique à transistors. Les modèles concoctés à l’occasion du 40e anniversaire de la marque donnaient une idée des capacités créatives extrêmes du fabricant. Néanmoins, Accuphase n’a jamais été emporté par l’ivresse du succès et a toujours su décliner ses gammes vers des produits accessibles, de prix raisonnable mais toujours de grande qualité. Pour preuve, le catalogue a toujours inclus des électroniques intégrées, plus abordables que des éléments séparés, dont certaines réalisées en pure classe A, le sommet musical pour un schéma à transistors. Après des références unanimement reconnues dans le monde entier comme le E-530, le E-550 et plus récemment le E-560, voici le E-600, seul intégré en classe A parmi une offre de quatre appareils.  

Tradition propriétaire

Le E-600 prend place dans un châssis posé sur quatre pieds et composé de la célèbre face avant en aluminium massif anodisé champagne dotée des non moins célèbres vumètres. Elle est montée sur un berceau compartimenté en acier très épais, peint en noir satiné, flanqué de deux joues en aluminium extrudé et recouvert d’un capot en acier doté de nombreux orifices de ventilation indispensables pour évacuer les calories naturellement dissipées par les étages polarisés en classe A. La connectique très complète et de qualité inclut quatre paires de borniers haut-parleurs Accuphase à molette de grand diamètre. On distingue deux trappes verticales qui dissimulent des « slots » (logements à glissières) pouvant recevoir des cartes optionnelles proposées par Accuphase, à savoir une carte DAC-40 (DAC 32/192 avec entrée USB), une carte AD-30 (phono MC/MM) et une carte LINE-10 (entrées additionnelles de type ligne). La face avant reçoit deux molettes (source et volume) de part et d’autre de la fenêtre centrale et de la trappe amovible qui abrite des commandes annexes dont le réglage de la balance, un correcteur de tonalités et la mise en service des cartes optionnelles, entre autres. Derrière la fenêtre, deux vumètres « bargraph » et plusieurs diodes LED informent sur l’état courant des réglages. La disposition intérieure brille par son absence de câblage et par la rigueur d’implantation des sous-ensembles (transformateur capoté, réglage de volume, triple push-pull de transistors Mos-Fet sur dissipateurs à ailettes, etc.) et des composants sur les circuits imprimés. Les technologies propriétaires embarquées et réparties dans un schéma entièrement symétrique incluent le réglage de volume maison AAVA à plus de 65 000 pas de réglages. Il a été optimisé avec une molette à inertie élevée identique à celle du préampli C-2820, dix-huit convertisseurs parallèles tension-courant (impédance de sortie et bruit plus bas) et étage d’entrée à cinq circuits MCS parallèles (plus de puissance de travail et réduction de la distorsion). L’étage de gain en tension est du type MCS+ (pour Multiple Circuit Summing), un principe Accuphase de mise en parallèle de circuits d’amplification pour augmenter le rapport signal sur bruit et abaisser la distorsion par harmoniques. Le signal est alors adressé au driver à basse impédance, lui-même suivi de l’étage de sortie triple push-pull parallèle à six transistors Mos-Fet polarisés en pure classe A.

Fabrication et écoute

Construction : La construction d’un Accuphase est superlative, qu’il s’agisse d’une électronique ultra haut de gamme comme l’ensemble de lecture DP-900 et DC-901 ou d’un appareil beaucoup plus grand public comme le A-600. Il n’est donc pas surprenant (le contraire eut été étonnant) de retrouver ce souci aigu presque pathologique de perfectionnisme dans la construction, dans l’assemblage et dans le choix des matériaux. Les moyens restent évidemment en rapport avec le prix public, donc n’attendez pas de joues en bois massif à plusieurs couches de vernis sur le E-600. En revanche, ce que nous offre cet appareil dépasse tout ce que propose la concurrence sur la planète dans cette tranche de prix.

Composants : Certains fabricants jouent plus l’effet marketing d’une pseudo-trouvaille pour essayer de nous vendre leur produit. Rien de tout cela depuis quarante ans avec Accuphase dont chaque produit est issu de la mise en œuvre des principes fondamentaux de l’électronique appliqués selon des technologies propriétaires validées par la mesure et par l’écoute. Le réglage de volume AAVA spécifique, les condensateurs d’alimentation fabriqués sur cahier des charges, le cloisonnement interne pour une meilleure isolation des étages entre eux sont quelques-unes des spécificités uniques en leur genre qui font d’un Accuphase une électronique au-dessus des autres.

Grave : Les intégrés en classe A du marché ne sont pas légions et ne délivrent généralement qu’assez peu de puissance. À première vue, le E-600 et ses 30 W par canal sous 8 ohms ne semble pas déroger à cette règle mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il est capable de quadrupler ce chiffre si la complexité électrique de l’enceinte l’exige. Il ne nous a pas fallu très longtemps pour « entendre la différence ». Sur la partition de la basse synthétisée du « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong, le E-600 explore les soubassements jusque dans l’extrême grave avec une franche générosité et une articulation satisfaisante. La correction de tonalité « grave » nous a permis de peaufiner la réponse subjective des enceintes dans la pièce d’écoute. Appréciable.

Médium : L’intérêt essentiel de la classe A est de faire fonctionner les composants de l’étage de puissance sans rupture, sans raccordement entre l’alternance positive et l’alternance négative du signal musical. L’écoute gagne ainsi en fluidité et en réalisme, notamment dans le registre de médium. Le E-600 travaille de la sorte avec un étage de sortie conçu dans une veine minimaliste, ce qui exacerbe en principe la fidélité de reproduction. C’est effectivement ce qu’il ressort de l’écoute de « My Treasure » par Sinne Eeg avec une contrebasse très bien dimensionnée et tonalement très juste, très palpable, et une interprète dont le grain et les inflexions de la voix deviennent plus perceptibles, plus organiques qu’à l’accoutumée. Le E-600 n’est pas loin des meilleures triodes sur ce terrain.

Aigu : Cette impression de fluidité, de souplesse de restitution imprègne également le registre d’aigu proposé par le E-600. Les frappes très légères de baguettes sur les cuivres de la batterie (piste « My Treasure » par Sinne Eeg) sont restituées avec une finesse remarquable agrémentée d’un cortège de détails vraiment subtil et parfaitement audible même à bas niveau d’écoute. Cette analyse dense permet d’apprécier l’épaisseur, la consistance du métal dont les vibrations s’éteignent dans une durée tout à fait crédible. Sur ce point, on note avec satisfaction que le facteur d’amortissement particulièrement élevé pour un schéma en classe A n’altère pas outre mesure la liberté d’expressivité de l’appareil.

Dynamique : À puissance efficace comparable, les performances techniques du E-600 surpassent celles de tous les intégrés actuels travaillant en classe A. À ce propos, ses possibilités de délivrer quelque 210 W en pointe sous 1 ohm closent toutes les discussions. C’est donc la preuve d’une stabilité inconditionnelle des alimentations et d’une réactivité élevée des circuits. Il est vrai que les impacts de la boule de grosse caisse sur « Dis-le » par Baz Baz ne manquent pas d’énergie même à niveau élevé d’écoute. L’impression est cependant différente de celle ressentie avec notre bloc stéréo repère certes plus puissant et fonctionnant en classe AB. Si le E-600 apparaît moins percutant et moins « spectaculaire », il dispense en revanche une dynamique plus sensuelle, plus organique. Plus fidèle ?

Attaque de note : Les nombreux circuits propriétaires disséminés avec beaucoup d’à propos entre les entrées et les sorties du E-600 sont l’origine même des performances chiffrées et auditives de l’appareil. La recherche d’une adaptation optimale entre des étages développés avec un minimum de composants limite les embûches rencontrées par le signal audio. D’où cette grande spontanéité ressentie à l’écoute du E-600 qui lui permet de décliner chaque note avec une étoffe harmonique très complète. La voix de Simone Kermes comme les instruments baroques sur « Ha Vinto Amor » brillent de mille et une couleurs tonales, d’une multitude de détails qui confèrent plus de véracité, plus d’authenticité à l’interprétation.

Scène sonore : Il ressort des écoutes avec le E-600 que celui-ci insuffle un degré de réalisme qu’il n’est pas courant d’atteindre même avec des électroniques plus ambitieuses et souvent plus coûteuses. Cette notion de réalisme renseigne sur le fait qu’un appareil est capable de restituer l’environnement sonore et spatial de chaque œuvre au plus près de ce que contient le signal qu’il traite. En écoutant « Gotcha » par Patricia Barber enregistrée en live, on sent que le E-600 va très loin dans la localisation et dans la focalisation des protagonistes sur la scène, dans la présentation spatiale du public en contrebas de la scène et réparti très largement devant l’auditeur. On se sent avec eux.

Transparence : La transparence d’un appareil relève de sa fidélité à reproduire le plus exactement possible le signal qu’il traite. Le E-600 nous est apparu précisément d’une grande transparence car capable de véhiculer les subtilités du message tel qu’il le recevait. À ce sujet, nous avons obtenu des résultats absolument remarquables en remplaçant notre câble numérique AES/EBU habituel par un modèle Absolue Créations Tim Reference. Le bond en véracité, en authenticité a été sans appel. Ce qui conforte également l’idée que la transparence d’un système dépend étroitement de celle de tous les maillons qu’il regroupe.

Verdict

La classe A reste une classe d’amplification à part. Les électroniques intégrées à transistors qui en font usage présentent généralement des puissances relativement limitées pour des raisons de commodités d’utilisation (chaleur dégagée, encombrement, fiabilité, etc.). Cependant, ce sont ses prestations musicales qui sont appréciées, des prestations particulièrement recherchées par les mélomanes plus épris d’authenticité que de watts. Sans même aborder le sujet de la qualité de fabrication qui n’a pas ou très peu d’équivalent notamment à ce prix, l’intégré Accuphase met la barre haut en termes de performances et de musicalité. Équipé des cartes optionnelles phono et DAC, le E-600 devient un des plus complets et des plus désirables intégrés du marché.  

Fiche technique

Origine : Japon

Prix : 9 900 euros

Dimensions : 450 x 230 x 500 mm

Poids : 55 kg

Puissance nominale : 2 x 30 W/60 W/120 W (8/4/2 ohms)

Réponse en fréquence : 20 Hz – 20 kHz à +0/-0,5 dB

Facteur d’amortissement : 500 (charge 8 ohms, 50 Hz)

Distorsion : < 0,05 % Sensibilité : 77,7 mV (20 K RCA, 40 K XLR), 617 mV (Power In 20 K)

Entrées : 7 RCA (ligne dont 1 Power In et 1 enregistrement), 3 XLR (ligne dont 1 Power In)

Sorties : 4 paires HP, 1 XLR (ligne Pre Out), 2 RCA (monitoring et Pre Out)

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