ENCEINTE

TUNE AUDIO PRIME

Comme son nom ne l’indique pas, Tune Audio nous vient de Grèce. Manolis Proestakis a conçu une gamme très originale d’enceintes à pavillons dont la Prime, comme son nom le suggère, constitue l’entrée de gamme.

Les « petites » Prime de Tune Audio ne passent pas inaperçues, surtout dans leur finition en laque piano blanche ou noire, sachant que bien d’autres coloris sont disponibles sur commande. Ces enceintes cachent bien leur jeu, car leur encombrement laisse penser qu’elles fonctionnent suivant le mode de la radiation directe… Oui et non ! En effet, le volume interne du coffret dissimule un pavillon replié. Quoi qu’il en soit, elles n’ont pas besoin de plus de place au sol qu’une paire d’enceintes conventionnelles, une performance à relever ! La mise au point de ce pavillon à encombrement « domestique » a présenté de nombreuses difficultés, selon Manolis Proestakis, qui a consacré deux ans de sa vie à l’élaboration des Prime.

Le coffret

Composée de bouleau multipli, l’ébénisterie ne comporte que deux parois parallèles : les flancs. Le baffle fuit vers l’arrière, le dessus présente une franche déclivité, et le dos présente, lui aussi, une inclinaison, afin de présenter une base évasée. Les faces non parallèles ont tendance à atténuer, voire éliminer, des ondes stationnaires. Sur les Prime, cette géométrie possède une autre fonction, puisqu’elle a pour rôle initial de charger le haut-parleur principal dans le registre grave afin de lui apporter plus de rendement dans cette bande de fréquences. Ce type de résonateur est accordé vers 30 Hz. À l’intérieur de l’enceinte, le concepteur a donc installé une paroi oblique qui, en association avec l’inclinaison du baffle et du dos de l’enceinte, forme un pavillon replié, dont l’extrémité, évasée, se situe à la base de l’enceinte. Le constructeur a laissé à l’audiophile le soin de régler les Prime, au moyen de pointes fournies : on peut ainsi régler la hauteur de l’enceinte par rapport au sol, en affinant la réponse dans le grave. Ce procédé apporte une homogénéité à la restitution. La nature du pavillon permet le positionnement des Tune près du mur arrière, voire dans un coin, et ces différentes positions changent leur comportement dans le bas du spectre, en prolongeant plus ou moins l’effet du pavillon.

Les transducteurs et filtres

Manolis Proestakis fait confiance à Fostex, sur toute la gamme Tune Audio. La Prime est équipée de deux transducteurs : un haut-parleur large bande qui monte, d’origine, jusqu’à 21 kHz, et un tweeter à compression. Le 6,5 (165 mm) Fostex FE168E∑ se reconnaît au design particulier de sa membrane en fibres de bananier, hyperbolique paraboloïde, un hybride de formes rassemblant les avantages de la parabole et de l’hyperbole. Les nervures de la membrane contribuent à sa rigidité et améliorent la réponse en phase du transducteur et la diffusion sur tout le spectre qu’il peut restituer. Cependant, ces nervures seront un peu moins utiles sur les Prime, puisque le concepteur atténue la réponse de ce haut-parleur à raison de 6 dB par octave à partir de 6,3 kHz, au moyen d’une self sur air de taille imposante. De plus, il a modifié Fostex FE168E∑, vraisemblablement pour éliminer les toniques entre 7 et 8 kHz et entre 14 et 16 kHz, ces bosses pouvant s’entendre, même à la suite d’un filtrage à 6 kHz à la pente de 6 dB par octave. Le tweeter Fostex FT96H prend place sur le baffle, relié à une paire de condensateurs en papier huilé câblés en parallèle. Afin de l’aligner en niveau avec le grave-médium, deux résistances de puissance se chargent de l’atténuer. Ces deux transducteurs Fostex sont exploités dans leurs plages respectives où ils présentent la meilleure linéarité. Le câblage interne emploie des conducteurs monobrins en cuivre OFC gainés de coton imprégné que Manolis Proestakis réalise lui-même. La Prime dispose d’un simple bornier à deux embases banane dorées.

Fabrication et écoute

Construction : Les dimensions raisonnables des Prime facilitent leur intégration dans la pièce d’écoute. Leur finition irréprochable extérieurement (surtout pour la laque piano) et l’implantation précise des transducteurs dans le baffle étroit ne suscitent aucune critique. En coulisses (sous l’enceinte), La présentation est moins belle, mais il s’agit peut-être des limitations liées au câblage « en l’air » (sans circuit imprimé) du filtre.

Composants : Tout paraît très simple, voire minimaliste, dans la Prime : un pavillon replié débouchant à la base de l’enceinte, une paire de transducteurs de haute qualité de chez Fostex, une self pour le large bande, deux condensateurs en parallèle et deux résistances sur le tweeter, et du câble OFC. Simple et efficace.

Grave : Suivant la position des enceintes dans la pièce, elles changent de comportement. Mais, dans tous les cas de figure, y compris en ajustant leur hauteur via les pointes supportant l’ébénisterie, le registre grave possède un côté dynamique, tantôt ample, tantôt percussif, sans délimiter de manière stricte la fréquence de coupure basse. Ce registre est particulièrement vivant.

Médium : Après quelques minutes d’écoute, les Prime donnent le meilleur d’elles-mêmes, comme si les deux condensateurs en parallèle sur le tweeter prenaient leur valeur capacitive de croisière, en rendant la restitution linéaire. Ici encore, les Tune Audio donnent une impression de liberté, tant dans leur caractère vivant que dans la définition générale.

Aigu : Si le transducteur est filtré en douceur à seulement 6 dB par octave vers 6 kHz, au-dessus de cette fréquence, le tweeter prend le relais. Les caractéristiques chères aux Fostex s’expriment ici avec définition, absence de distorsion audible et une très bonne spatialisation. Ce registre se marie bien avec les deux précédents : l’aigu, tout aussi libre que le grave et l’aigu, respire la santé, l’esprit d’à-propos, avec un petit côté vivifiant qui donne beaucoup de cachet à ces enceintes…

Dynamique : L’un des atouts de ces Prime réside dans leur propension à rendre vivant un contenu musical, un peu comme si les transducteurs ne subissaient aucune contrainte. Mieux, cette impression se renforce dans le registre grave, grâce au pavillon arrière replié, vraiment efficace. Le test le plus dynamique, sur l’œuvre Gogol Suite d’Alfred Schnittke, donne là toute la mesure de ses écarts dynamiques entre les pianissimi et les fortissimi, ce qui affirme le caractère non conventionnel de ce morceau de musique.

Attaque de note : La liberté de restitution des Prime ne saurait les mettre en défaut sur la rapidité d’établissement des notes et, en particulier, leurs attaques. En effet, elles sont restituées de concert avec un suivi de la dynamique vraiment à part, en tout cas d’une manière plus franche que ce que l’on a coutume de constater sur les enceintes à radiation directe qui, comme le nom de leur catégorie l’indique, sont dépourvues de pavillons et de transducteurs à compression.

Scène sonore : Sur ce test, ces Tune Audio surprennent à nouveau. Lorsqu’on écoute un concert de jazz ou une œuvre symphonique, on se rend habituellement compte des dimensions de la salle, avec une évaluation, à l’oreille, du mur situé derrière la scène. Les différences d’écoute entre les deux styles musicaux joués en concert se font sentir, car l’ambiance sonore suit la taille du lieu, plus chaud et intime dans le cadre d’un club de jazz. Les Prime montrent ces différences, tout en repoussant, à l’occasion, les murs de la salle : une autre manifestation de leur caractère vivant.

Transparence : Ces Tune Audio possèdent leur personnalité propre. Il ne faut donc pas s’attendre à une restitution conventionnelle, ne serait-ce qu’en raison de la présence de pavillons, chargeant le « large bande » par l’arrière et le tweeter par l’avant. En revanche, bien exploitées, disposées, réglées, orientées et alimentées par un bon amplificateur (tubes bienvenus, tout comme les transistors), ces enceintes possèdent des qualités subtiles qu’il faudra savoir apprivoiser afin qu’elles s’expriment de la manière la plus musicale possible, transparence comprise. De plus, on s’y habitue si vite qu’elles peuvent devenir addictives chez certains audiophiles !

Rapport qualité/prix : La conception peu conventionnelle des Tune Audio Prime résulte d’un temps de recherche et de développement non négligeable. Ainsi, Manolis Proestakis est parvenu à concevoir un modèle à pavillon dans un coffret de dimensions modestes, à l’image de celles d’un modèle à radiation directe. Il a choisi des transducteurs de qualité de chez Fostex, marque dont on n’a plus à vanter les mérites, (d’autant qu’à quelques pages d’ici, vous en verrez une autre application réussie). Les Prime sont issues d’un pari technique audacieux, et cela entraîne un coût.

Verdict

Étonnantes, vivifiantes, passant avec aisance d’un comportement subtil à la grandiloquence d’un programme musical enlevé, les Tune Audio Prime ne laissent personne indifférent. En conséquence, on peut les détester ou les aimer : pas d’avis mitigé ! Pour les aimer, il faut leur fournir ce qu’elles méritent : un emplacement de choix, de préférence près d’un mur ou d’un coin, une orientation optimale et de bonnes électroniques, pas forcément puissantes, mais surtout dynamiques, afin de ne pas étouffer le potentiel des Prime.

Fiche technique

Origine : Grèce
Prix : 7 700 euros
(laque piano noire, blanche, ou autre),
6 600 euros (merisier ou wengé)
Dimensions : 116 x 28 x 49 cm
Poids : 33 kg
Type d’enceinte :
2 voies à pavillon arrière replié
Filtre de transition :
6,3 kHz à 6 dB par octave
Sensibilité : 93 dB/1 W/1 m
Impédance nominale : 8 ohms
Puissance recommandée :
à partir de 8 W

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