ENCEINTE
Après nous avoir enchantés avec le modèle IBX-R2 testé dans notre numéro d’avril-mai 2013, le distributeur de Living Voice en France, Musikae, récidive avec les colonnes IBX-RW. Visuellement identiques aux R2, les RW ont néanmoins subi une optimisation technique supérieure qui leur permet d’aller encore plus loin dans le réalisme sonore.
Le déballage des RW ne laisse planer aucun doute, il s’agit bien de colonnes Living Voice avec leur finition et leur présentation caractéristiques en tous points identiques à celles de la R2. Sauf un, le bornier arrière double délaisse le matériau plastique pour le métal plaqué de la série Platinum de WBT. Il y a fort à parier que ce choix ne soit pas simplement dicté par un souci esthétique, mais bel et bien pour l’apport qualitatif qu’il introduit à l’écoute. Et puisque nous parlons d’écoute, nous avons eu le plaisir de découvrir les RW grâce aux bons soins de Dilip Firolazi, de Firodil, qui a eu l’extrême gentillesse de nous accueillir dans son auditorium. Cela nous a permis de mesurer subjectivement l’écart existant entre les R2, que nous n’avons pas appréciées depuis le banc d’essai d’avril dernier, et les RW à partir d’une configuration et d’un local identiques. Nous avons ensuite ramené les RW à Suresnes pour nos propres sessions musicales.
Quoi de neuf, Kevin ?
Comme nous l’évoquions en introduction, les RW, en apparence jumelles des R2, cachent quelques détails techniques qui transcendent un peu plus les résultats déjà quelque peu étourdissants des R2. La base commune aux deux modèles est constituée de l’ébénisterie bass-reflex à évent arrière de même volume interne et de topologie identique de filtrage (schéma, fréquence de coupure et pente d’atténuation). Ce qui change en revanche sont la qualité des composants du filtre ainsi que leur tolérance et celle des haut-parleurs. L’ébénisterie utilise un bois à particules de faible épaisseur baptisé « chipboard » par les Anglais et jugé beaucoup plus musical que les matériaux modernes. Il a fallu néanmoins du temps à Kevin Scott, brillant concepteur des enceintes Living Voice, pour dénicher la bonne formulation d’ingrédients constituant le chipboard, à savoir type de bois, taille des morceaux ou qualité de colle, mais il parvient à trouver son bonheur chez un fabricant gallois dont il envoie la production qu’il acquiert au Danemark pour la fabrication des ébénisteries. Et il fait d’une pierre deux coups puisqu’il équipe ses enceintes de trois haut-parleurs d’origine danoise. Du Scan Speak de la série Revelator D2905 pour le tweeter et une refabrication par Scan Speak de modèles anciens de chez Vifa pour le grave médium : deux 17 cm améliorés pour l’occasion à membrane en papier enduit et à suspension étroite à demi-rouleau en mousse. Détail important, ces haut-parleurs de grave médium sont appairés par set de quatre pour les RW (soit par paire d’enceintes) alors qu’ils sont triés par paire pour les R2 (soit par enceinte uniquement). L’ensemble repose toujours sur un socle creux par l’intermédiaire de quatre petites boules de Blu-Tak absolument fondamentales dans le résultat sonore. Le cœur de l’optimisation réside dans le filtrage et le câblage interne. Ce dernier, configuré avec une masse en étoile, est confié à des conducteurs en cuivre à cristaux orientés. Quant aux composants, ils ont bénéficié d’une attention toute particulière. Les résistances bobinées non inductives sur substrat céramique ont été réalisées sur cahier des charges pour la RW. Les inductances à air Living Voice sont bobinées à la main, puis disposées sur un support solide en bois selon une implantation rigoureuse qui limite au maximum les interférences mutuelles. Cela risque de faire sourire, mais les condensateurs utilisés dans le filtre de la RW mêlent des électrochimiques non polarisés et des modèles à film plastique selon une combinaison série/parallèle. Un mix de technologies qui libère le son, selon Kevin Scott et, soit dit en passant, selon nos oreilles aussi. Les selfs, les condensateurs film et feuillard ainsi que le câblage interne ont été cryogénisés. Une dernière anecdote significative du souci quasi pathologique de mise au point de monsieur Scott : les condensateurs chimiques sont fabriqués spécifiquement pour Living Voice.
Fabrication et écoute
Construction : L’IBX-RW ne paie pas de mine et elle dégage même une certaine fragilité quand elle n’est pas montée sur son socle. Sous ce masque d’humilité se cache une colonne très bien fabriquée qui ne cède rien aux fioritures esthétiques de beaucoup de concurrentes et qui n’est pas sans rappeler certains modèles d’un autre fabricant de Sa Majesté…
Composants : L’originalité technologique de la RW démontre que les leçons du passé ne doivent pas être balayées d’un simple revers de main. Le chipboard, les condensateurs électrolytiques ou les haut-parleurs de grave médium sont autant d’exemples qui, une fois « magnétisés » par les mains du sorcier de Long Eaton, deviennent particulièrement redoutables en termes de musicalité et de magie émotionnelle.
Grave : Tirer la substantifique moelle sonore des RW nécessite, comme pour les R2, une mise en œuvre précise, soignée, réfléchie. Nous les avons écoutés sur des électroniques à tubes KR Audio chez Firodil, et avons travaillé avec du transistor au magazine. C’est un signe de la souplesse de ces colonnes, mais néanmoins ces électroniques ont été finalement sélectionnées après en avoir éliminé d’autres. Dans les deux configurations, la RW a été capable de délivrer un grave articulé, ferme et explorant avec une réelle conviction les soubassements. Sur la piste « Blackbird » interprétée par Patricia Barber, les nombreuses variations tonales de la contrebasse remarquablement tenues insufflent un rythme étonnant au morceau.
Médium : Nous avons attribué la note maximale sur ce critère aux RW. Associées aux « bons » maillons, elles s’imposent à nos oreilles, qui ont entendu toutes sortes d’enceintes acoustiques, comme une des quelques rares références qu’il faut absolument écouter. Énumérer les adjectifs traditionnels et autres expressions consacrées pour décrire le ressenti subjectif à l’écoute des RW ne leur rendrait pas totalement justice. Ce qu’on ressent dépasse le simple cadre dialectique ou l’évaluation mathématique.
Aigu : La fusion avec les deux unités de grave médium est totalement inaudible, conférant à chaque note un filé d’une grande délicatesse. Le constructeur a particulièrement travaillé le filtrage du tweeter pour aboutir à une grande fluidité du registre. Sur notre configuration de test à transistors, l’écoute de la pipa de Zhao Cong perd énormément de la verdeur qui agresse quasi systématiquement nos tympans.
Dynamique : Le comportement dynamique des RW, dotées d’une sensibilité élevée et inhabituelle dans ce créneau de produits, surprend par l’entrain communicatif et les capacités à reproduire les micro-modulations dans le contexte musical global, avec une reproduction précise des écarts modulatoires par rapport à la trame fondamentale. La mise en œuvre de deux boomers particulièrement rapides consolide l’étude rythmique de chaque partition.
Attaque de note : On retrouve sur ce critère les qualités des R2, mais sensiblement exacerbées avec une formidable cohérence tonale et une remarquable homogénéité entre immédiateté et texture. Le message se déverse avec vivacité et expressivité de sorte que le cortège harmonique libéré après chaque attaque de note « incarne » le développement de chacune d’elle. Une écoute en chair en en os.
Scène sonore : La spatialisation du message diffusé transporte littéralement sur les lieux de la performance. L’image stéréo s’avère extrêmement stable et les plans sonores se positionnent dans une perspective qui colle à chaque enregistrement. On est bluffé par le « relief » virtuel de chaque performance.
Transparence : Le naturel de restitution dont sont capables les Living Voice RW mérite une mise en œuvre la plus parfaite possible. Entendez par-là que les maillons associés devront être à la hauteur subjective des divines colonnes britanniques, sans quoi l’on pourra passer à côté de l’essentiel. Si l’osmose est réussie, alors il vous suffira de fermer les yeux et de vous laisser transporter par le chant de ces reines.
Rapport qualité/prix : La barre des 10 000 euros n’est pas dépassée, de justesse il est vrai. Si l’on s’en tient aux apparences et que notre réflexion se contente de ne considérer que la taille des RW ou l’allure ordinaire des haut-parleurs, on va trouver l’addition pimentée. En revanche, si l’on écoute ces enceintes dans les bonnes conditions et qu’on s’intéresse aux coulisses de la conception, on oublie totalement l’investissement et, mieux, on s’en réjouit si on commence à comparer les RW à la concurrence même beaucoup plus coûteuse.
Verdict
Nous avons énormément apprécié les moments musicaux passés en compagnie des Living Voice RW que nous recommandons sans aucune hésitation à tous ceux qui recherchent la véritable fidélité de reproduction. Comme les R2, elles sont exigeantes et ne se dévoileront pleinement qu’en compagnie d’éléments au pedigree sonore comparable. Peu importe la technologie d’amplification, peu importe la puissance délivrée, car dans ces conditions, leur immense talent vous comblera de purs moments d’extase musicale.
Fiche technique
Origine : Royaume-Uni
Prix : 9990 euros
Dimensions :
1030 x 215 x 270 mm
Poids : 22 kg
Réponse en fréquence :
35 Hz – 25 kHz
Impédance nominale : 6 ohms
Sensibilité : 94 dB/W/m
Puissance nominale : 100 W
Finitions en essence de bois : cerisier, noyer, érable, bois de rose Santos, frêne noir, noyer satiné, chêne, ébène et bambou