Amplificateur

Cayin CS-805A: Triodes magiques

Friday, August 22, 2025
Cayin CS-805A: Triodes magiques
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Cayin CS-805A: Triodes magiques

Introduction

Alors que Cayin fabrique de nombreux modèles à tube en push-pull très abordables, à base de pentodes ou tétrodes EL84, EL34, KT88 ou KT150, la marque chinoise propose également des amplificateurs plus nobles, c’est-à-dire utilisant des triodes de puissance en simple étage. En l’occurrence, la paire de 805A délivre 50 W dans une lumière éclatante, comme l’écoute envoûtante.

Festival de triodes

Cet amplificateur procure une certaine fascination esthétique, surtout lorsque les filaments des 805A s’allument, produisant une lumière puissante. Ils sont précédés d’une autre triode célèbre : sa majesté 300B, qui suit une triode à chauffage indirect 6SN7 réputée pour sa transparence, amplifiant la tension d’entrée.

La façade aluminium anodisée apporte sa touche de modernisme grâce aux petites LED indiquant les entrées, et à l’illumination de la commande de volume, clignotant à l’action du mute. L’appareil est très lourd (38 kg), en grande partie à cause de ses énormes transformateurs réalisés spécialement, ceux de sortie à tôle EI et celui d’alimentation torique, chacun isolé dans sa cuve. La finition est splendide, c’est du sérieux, tout comme l’écoute.

Le 805 est à l’origine un tube d’émission américain fabriqué par RCA en 1936, utilisé dans les émetteurs de transmission haute fréquence, les oscillateurs ou les modulateurs en classe B. La version ultérieure se fixe toujours grâce à une baïonnette Jumbo à 4 contacts, mais la broche 3 est dévolue à la plaque, au contraire du 805 original qui possédait un téton pour la plaque au-dessus du bulbe, ce qui, au vu du voltage en jeu, est plutôt dangereux.

La tension plaque de la 805A est ici de 910 V, pour 120 mA de courant. Quatre broches dont deux pour les filaments, une pour la plaque et une pour la grille, c’est bien une triode à chauffage direct, comme la 300B, où le filament est la cathode. Celui de la 805A sous 10 V est en tungstène thorié, ce qui produit cette lumière blanche intense, alors que le filament 5 V de la 300B est en nickel recouvert d’oxyde (composition tenue secrète par WE, contenant du strontium et du baryum). Le 805A consomme la bagatelle de 3,25 A, contre 1,2 A pour la 300B.

Le tube d’entrée est la double triode à chauffage indirect 6SN7 à support octal 8 broches ; son bulbe ST en verre est identique au type ECC32/CV181 (référence anglaise). Un intégré 100% pur tube, pure triode, pure classe A en SE : ceci est suffisamment rare pour être apprécié. Pourtant, il libère 50 W, c’est la magie des grosses triodes, mais ce montage nécessite du lourd pour encaisser les tensions et courants en jeu, et de l’expérience pour la fiabilité.

Fabrication et écoute

Montage à l’ancienne

Particularité plutôt rare du CS-805A : il offre le choix de la contre-réaction négative, ou pas, qui s’active uniquement de la télécommande : 0 dB ou -3 dB. La différence se manifeste par un grave plus tendu en position CR, mais plus d’ampleur sans CR, légèrement plus fin aussi.

Le bias fixe des tubes de puissance est ajustable et se contrôle grâce aux vumètres. Moins fréquent, l’équilibrage du filament se règle sur les 300B, assurant un bruit minimum. C’est utile surtout s’il est alimenté en alternatif, mais également en continu, comme ici pour les filaments des 805A et 300B, régulés pour ces dernières.

La taille des transformateurs de sortie est impressionnante ! Ils sont difficiles et coûteux à fabriquer, car l’impédance de plaque d’une 805A est assez élevée, donc il faut de nombreux enroulements. Ils doivent encaisser des voltages élevés, et l’entrefer doit être bien calculé (inductance élevée) pour préserver la réponse dans le grave.

Cayin connaît tout cela, c’est un expert en la matière, pour preuve la réalisation magnifique dont le montage en l’air et la soudure point à point, avec d’excellents composants : volume Alps motorisé, supports de tube en porcelaine, condensateurs de liaison en film polyester, résistances carbone, câble de signal plaqué argent.

Côté utilisation : 3 entrées ligne asymétriques sur RCA, une entrée Pre-IN pour attaquer directement l’ampli de puissance, 3 paires de borniers adaptés aux impédances 4 et 8 ohms, sans oublier la prise casque 6,35 mm en façade. Un capot grillagé vient protéger les petites mains curieuses de tous les tubes, à la même finition laquée grise superbe que le châssis.

Écoute

Timbres : Le charme agit instantanément, car une amplification à triode fait une énorme différence sur la beauté des timbres et leur richesse, où le grain des voix et des instruments semble bien plus vrai, exposant une infinité de nuances et de couleurs. La légèreté des notes qui s’égrènent au gré du mouvement des électrons dans le vide d’air apporte une liberté de réaction stupéfiante.

Le rendu dans le grave pourra paraître moins percutant et appuyé qu’une électronique à transistor plus puissante, qui explorera mieux l’extrême grave, mais la différenciation des textures dans ce secteur est beaucoup plus évidente, plus naturelle aussi, sans exagération comme souvent dans une écoute plus démonstrative, mais aussi souvent plus monocorde.

L’aigu est également extrêmement léger et aérien, délicat et éclatant mais sans jamais devenir artificiel ou métallique. Toutes ces qualités proviennent de l’excellent dégradé harmonique des triodes à chauffage direct, à prédominance paire, donc plus agréable à l’oreille, au contraire des harmoniques impairs qui ont tendance à sonner « faux », même en très faible quantité.


Dynamique : L’image d’un océan sonore est bien appropriée, comme des vagues musicales arrivant comme des lames de fond, ou au contraire un calme tranquille quand le signal est faible. La microdynamique est remarquable, car les tubes sont prompts à réagir à la moindre impulsion, les silences sont aériens et non lourds.

Par conséquent, il n’est pas utile de pousser le volume à des niveaux élevés, l’étendue dynamique est bien présente dès les plus infimes nuances. Un fortissimo surprend par son volume, auquel fera face le Cayin sans écrêter car les étages de gain et de pilotage de la 805 sont bien calculés, de même que la taille énorme des transformateurs de sortie.

De plus, l’enceinte est bien tenue par l’impédance adaptée au travers du transfo, empêchant aussi la force contre-électromotrice des haut-parleurs de venir perturber l’étage d’amplification, d’autant plus si celui-ci est contre-réactionné, ce qui n’est pas le cas ici. 50 watts, oui, mais de haute qualité, avec du courant pour bien driver les enceintes.


Scène sonore : Si la triode est supérieure sur un point, les connaisseurs vous le diront, c’est bien l’aération extrême de la scène sonore, sa profondeur, où l’on ressent l’air circuler autour des musiciens, qui ne jouent pas sous une chape de plomb, mais au contraire comme libérés par la faculté de l’électronique à transmettre non pas de simples sons mais des émotions.

Une beauté incontestable se dégage du Cayin, mais elle n’est pas trop fardée, trop belle pour être vraie, plutôt subtile et naturelle, sans cesse différente et renouvelée selon les passages musicaux, qui montreront aussi leurs limites si l’enregistrement est « bidouillé », ce que le Cayin ne saurait masquer.

Les heures défilent à son écoute sans lassitude, baignées dans une atmosphère musicale incomparable, que des push-pull de tétrodes ne peuvent égaler, même s’ils peuvent paraître plus spectaculaires et grandioses, mais plus éloignés de la vérité que le CS-805A, très rare dans son genre.


Rapport qualité/prix : Le prix de 4890 euros est à peine croyable pour cette technologie analogique à l’ancienne utilisant un montage en l’air ; on n’ose imaginer le tarif chez d’autres constructeurs plus huppés. Mais la Chine est incontournable dans le domaine du tube bien vivant, tout simplement car elle a continué à fabriquer les lampes qui permettent de réaliser aujourd’hui ce type d’appareil.

Seul bémol, le retubage nécessitera un budget assez conséquent, mais PSVane, Shugang ou Linlaï proposent des tubes de remplacement dans les trois références à prix raisonnable : ce Cayin le mérite bien.

Verdict

Ça chauffe, c’est lourd, ça consomme, mais qu’est-ce que ça sonne bien ! Les contraintes ne sont pas minimes, il faudra pourtant les accepter pour accéder à cette écoute d’une magnificence et d’une richesse de tous les instants, alliant force et douceur, ainsi qu’une réelle matière dans la stature de la scène sonore, d’un réalisme évident.

La grosse triode 805A étale ses qualités pour délivrer 50 W en SE avec une rare finesse, de l’assise dans le bas-médium/grave et un aigu surprenant d’extension et de délicatesse. Si vous pouvez vous l’offrir et que vous êtes sensibles à tous ces arguments, n’hésitez pas.

Timbre

8

Dynamique

8

Scène sonore

8

Qualité / prix

8

Plaisir musical

Facilité d'utilisation

Qualité de fabrication

Fiche technique

Prix :
4890
euros
Origine :
Chine

Télécommande

Façade : noir ou argent

Dimensions (L x H x P) : 420 x 240 x 389 mm

Poids : 38 kg

Puissance : 50 W

Tubes : 6SN7, 300B, 805A

Réponse en fréquence : 20 Hz à 35 kHz

THD : 0,5 % (1 W)

Rapport S/B : 93 dB

Sortie casque 6,35 mm

Montage en l’air à la main

Tubes : PSVane

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