Ravel, en dix disques pour un génie du son
Profitons du cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur pour faire un point sur sa discographie et signaler les meilleures versions de ses œuvres emblématiques.
Évoluant du piano à l’opéra en passant par l’orchestre, cette sélection tient également compte de la qualité de l’enregistrement.
Autant écouter la musique d’un orfèvre du son et de la couleur dans les meilleures conditions possibles !
Du piano à l’orchestre
Le scintillement des Jeux d’eau, les grâces de la Sonatine, le récit halluciné de Gaspard de la nuit : Maurice Ravel (1875-1937) a confié au piano, son instrument, quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre dont plusieurs (Pavane pour une infante défunte, Ma Mère l’Oye, Valses nobles et sentimentales…) feront l’objet de miraculeuses orchestrations.
Pour découvrir l’intégrale de sa musique pour piano dans de bonnes conditions sonores, on s’orientera vers Bertrand Chamayou (Erato, 2 CD, 2015) et Seong-Jin Cho (Deutsche Grammophon, 2 CD, 2024).
Le Français convainc par une maîtrise technique qui lui permet de soigner le moindre détail sans jamais brider un piano ailé et félin.
Le Sud-Coréen semble un peu plus distant, mais il fait montre d’une impressionnante hauteur de vue et d’un exceptionnel raffinement du toucher : la tendresse sans mièvrerie, la virtuosité sans esbroufe.

L’art de l’orchestre
La discographie de la musique orchestrale permet d’approcher des trésors dès les débuts de la stéréophonie.
Le programme de l’électrique Charles Munch à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston (Boléro, La Valse, Rapsodie espagnole) profite d’une prise de son Living Stereo qui respire large et offre des couleurs profondes (RCA, 1955-1956).
Dans un style moins spontané mais fascinant par ses subtiles irisations, Daphnis et Chloé par Pierre Boulez et l’Orchestre philharmonique de Berlin reste un indispensable (Deutsche Grammophon, 1994).
Qui désire une intégrale récente incluant les deux opéras optera pour Stéphane Denève, vif-argent et stylé, et l’Orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart (SWR Classic, 5 CD, 2012-2014).
Impossible d’écarter la lionne Martha Argerich, qui restitue à la fois le swing jazzy et la douce mélancolie du Concerto pour piano en sol, avec Claudio Abbado et le Symphonique de Londres (Deutsche Grammophon, 1984).
Et pour découvrir Ravel avec le son des instruments des années 1920, il faut écouter le superbe enregistrement de Cédric Tiberghien (piano Pleyel de 1892) avec l’orchestre Les Siècles et François-Xavier Roth (Harmonia Mundi, 2020).
Ravel et la musique de chambre
La musique de chambre de Ravel a attiré les plus grands solistes depuis les débuts de l’enregistrement.
Mais pour un confort moderne et une interprétation inspirée, le Quatuor Hermès s’impose dans le Quatuor à cordes (La Dolce Volta, 2016).
Une autre réalisation récente mérite le détour : celle de l’Ensemble Sésame, qui offre une intégrale de la musique de chambre par de jeunes musiciens (NoMadMusic, 3 CD, 2019-2021) – deux heures trois quarts de pure splendeur.
Ravel et la voix
Pour un premier contact avec la voix et la mélodie, on cédera au charme ensorcelant de Shéhérazade, qui imagine un Orient de luxe et de mystère, conté dans un français parfait par la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter, enveloppée des diaprures de l’Orchestre de Cleveland délicatement dosées par Pierre Boulez (Deutsche Grammophon, 1999).
N’oublions pas les deux opéras de Ravel, aussi différents qu’originaux :
- L’Heure espagnole (1911), comédie musicale en un acte, raconte en cinquante minutes une histoire d’amours extraconjugales pleine d’humour et de lumière.
- L’Enfant et les sortilèges (1925), sur un livret de Colette, oppose un enfant à des animaux et objets qui dénoncent leurs mauvais traitements : un concentré d’humour, de rêve et de pure poésie.
Lorin Maazel et une formidable équipe de chanteurs ont laissé des interprétations qui n’ont pas pris une ride (Deutsche Grammophon, 1960 et 1965).
Bonnes écoutes !











