Lambrini Girls
Les Lambrini Girls, ce sont ces deux blondes platine originaires de Brighton qui ont forgé leur sulfureuse réputation à force de concerts ultra-sauvages, aux côtés du batteur Jack Looker (Ditz, Murmur). Dans un esprit d’empowerment DIY je-m’en-foutiste, Phoebe Lunny (chant et guitare) et Lilly Macieira (basse) sonnent la révolte à coups de cocktails punks explosifs et sans filtre qui lèvent des foules transpirantes. Leur tant attendu passage au disque a ouvert l’année 2025 avec grand bruit et n’a pas déçu. Who Let the Dogs Out mord à pleines dents dans les sujets qui fâchent : racisme, misogynie, patriarcat, abus policiers, avec un punk bien nerveux à tendance grunge. Ce premier album s’offre en studio le spécialiste du genre Daniel Fox, bassiste de Gilla Band qui avait produit Letter to Self de Sprints.

Flora Hibberd
Voici une autre artiste ayant ouvert l’année par son premier long format : Flora Hibberd. L’Anglaise installée dans la capitale française depuis une dizaine d’années a bien fait de laisser les traductions des autres sur le coin de la table pour noircir ses propres pages. Avec le bien nommé Swirl, « tourbillon » en français, la songwriteuse livre onze morceaux d’une force tranquille taillée dans une country-folk qui a l’esprit des paysages américains. Les mélodies sont soignées, le décorum instrumental restreint sans être trop peu. Tout semble terriblement à sa place dans cet album au son impeccable, enregistré à Eau Claire dans le Wisconsin dans le petit studio du multi-instrumentiste Shane Leonard.

Biig Piig
Jessica Smyth a mis du temps à prendre la lumière. Après des débuts rappés au sein du collectif NiNE8, puis trois EP aux univers distincts, l’Irlandaise aux airs d’adolescente s’est exilée à Londres, puis à Los Angeles et a fini par trouver sa voie avec le projet Biig Piig et sa première mixtape Bubblegum, sacrée Sound of 2023 par BBC Radio 1. Sorti le 7 février, le compact 11:11 confirme que Biig Piig maîtrise l’art des sad bangers et de la bedroom pop. Tiré par le single « Favourite Girl » sur lequel collaborent Maverick Sabre et Zach Nahome, ce premier album sous forme de virée dans les nuits perchées de l’East London lui permet de déployer sa voix mutine sur une hyperpop addictive, une électro éthérée à la James Blake ou encore des guitares lo-fi plus fragiles. Une bande originale générationnelle express.

Heartworms
Difficile d’imaginer que derrière Heartworms (ver de cœur, en français) se cache Joséphine Orme, une jeune Anglaise qui n’a rien de flippant mais dont le post-punk gothique à la croisée d’Interpol, de The Shins, de Siouxsie & The Banshees et de PJ Harvey peut dévorer les cœurs. Après un EP de quatre titres mitigé, son premier album met la barre haut. Derrière ce titre creepy, Glutton for Punishment fait le récit de ses agitations intérieures, de ses souvenirs d’enfance, et rend même hommage au soldat anglais William Gibson Gordon. Il y a un début et une fin, des méandres gothiques, des textes poétiques et puis cette voix d’abord adolescente qui devient fantomatique ou épique sur des productions signées Dan Carey (Fontaines D.C., Squid). Heartworms sera au Festival Levitation d’Angers, les 27 et 28 juin.

Maya Delilah
Déjà bien connue outre-Manche, Maya Delilah va s’emparer du reste du monde le 28 mars avec son premier album The Long Way Round à paraître chez Blue Note. Signée chez le légendaire label à seulement 22 ans, cette artiste originaire du nord de Londres s’est ouverte à la musique très tôt en écoutant Prince ou John Mayer. Emboîtant le pas à sa grande sœur, elle jette son dévolu sur la six-cordes. C’est à la BRIT School qu’elle peaufine sa technique, avant de sortir deux EP autoproduits Oh Boy (2020) et It’s Not Me (2021). Blue Note lui offre une première belle exposition un an après, en l’invitant sur sa compilation Blue Note Re:imagined II, qui réunit la crème des jeunes talents jazz de Londres. Entrée très vite dans la cour des grands, Maya Delilah, aujourd’hui 24 ans, livre un premier album pétri d’influences gospel, jazz, soul, pop avec de petits accents de country, qui confirme les espoirs placés en elle.

Matilda Mann
On reste à Londres avec Matilda Mann. Sur son premier album, paru le 28 février sur le petit label indé 7476, la jeune Anglaise raconte son enfance à la rue, ballotée dans les foyers de la capitale, dans une indie pop mâtinée de soul. Pas de mièvrerie ni de mélo ici mais des textes francs portés par une voix crème qui nous fait presque culpabiliser de vouloir s’envelopper dedans. Oscillant constamment entre espoir et désillusion, orchestration classieuse et bedroom pop plus légère, les 14 titres de Roxwell nous transportent dans l’intimité de la jeune songwriteuse. Il y a des guitare-voix, des violons folk parfois enjoués, des jolis effets et des mélodies bien troussées que l’on a envie de se repasser. Une artiste qui va monter doucement mais sûrement.

Roxane
Avec sa voix jazz aussi grave et puissante qu’agile, la Suisse signée sur le petit label Carthage abrité par Universal a déjà livré un EP en décembre 2024. Sur des morceaux dépouillés entre pop et jazz, simplement vêtus de guitare ou de cordes mais laissant toute la place à son impressionnante voix à la croisée d’Adèle et d’Amy Winehouse (rien que ça !), Roxane chante avec intensité des textes intimes. L’émotion déborde souvent et l’on est vite bouleversé par cette chanteuse fluette aux airs d’Anya Taylor-Joy ou d’actrices des 50’s qui chantent avec la gravité de celles qui semblent avoir tout vécu. Si elle tourne encore dans de petites salles et devant des publics qui ne sont pas encore les siens, Roxane tiendra bientôt le haut de l’affiche.

Nia Wyn
Restons du côté des voix avec l’atypique Nia Wyn. Plus nasillarde, celle de la jeune Galloise trempe dans la soul des années 60 et 70, qu’elle soit de Motown, de Stax ou de Philadelphie. On pense d’abord à sa sister soul Selah Sue, mais avec un timbre plus aigu, moins doux. Avec A Pleasure to Have in Class, un premier album très bien autoproduit, en partie enregistré dans ses propres studios et lancé sur son propre label, la songwriteuse, diagnostiquée autiste tardivement, livre ses angoisses (« Paranoid », « It’s My Business ») sur une soul cuivrée et pleine de cordes inspirée par les musiques qui ont bercé son enfance. Celles qui racontent des histoires, de préférence. Cette autodidacte retournera sans doute en studio cette année avec son aîné Paul Weller (du groupe culte The Jam), avec qui elle a travaillé par le passé.

Tony Dola
Côté France, coup de foudre pour Tony Dola. Le trentenaire parisien trouve en grande partie son inspiration dans la maison familiale périgourdine, où il a commencé en autodidacte sur une six-cordes mal accordée trouvée dans le grenier. En sortent des chansons en français sans prétention mais au charme certain, habillées légèrement de synthés ou de piano. Sept d’entre elles ont été consignées dans un premier EP autoproduit (ça s’entend) paru en décembre 2024 sur son propre label. Sous son chapeau de paille et son carré blond, Tony Dola chante le quotidien avec un phrasé à l’ancienne, une nonchalance belle et attachante. Il parle de son quartier parisien de la Glacière, qui offre son nom à l’album, ou de sa grand-mère Yvette mise à l’EHPAD. C’est profond et léger, triste et drôle à la fois.

Lip Filler
Derrière Lip Filler, il y a cinq colocataires londoniens de Shepherd’s Bush qui aiment transformer leur maison en gigantesque live. Dans la lignée d’un rock qui emprunte autant à Sorry, Squid qu’à Fontaines D.C., entre expérimentations abstraites ambitieuses, post-punk énervé tiré par l’accent au couteau du frontman George Tucker, Lip Filler emprunte pourtant une route bien à part. Signé sur le label indépendant britannique Chess Club Record qui a révélé Billie Marten, Wolf Alice ou encore Jungle, le combo a sorti coup sur coup deux EP en 2023 et 2024, produits par Declan Gaffney alias St Francis Hotel (Little Simz, Greentea Peng). Ne laissant pas le temps filer, les Anglais livreront leur premier album sur leur propre label cette année. Deux singles pleins de distorsion ont déjà été lancés en éclaireurs : « Leeches » et « Tricky ». Les Lip Filler feront gonfler les lèvres françaises les 29 et 30 mai à Paris, au Supersonic.
