REGA ELICIT-R

Le fabricant britannique Rega est un des très rares constructeurs voire le seul à concevoir et réaliser tous les éléments constitutifs d’un système haute-fidélité, depuis la cellule phonocaptrice jusqu’aux enceintes en passant par les câbles. L’intégré Elicit-R est un des cinq amplificateurs proposés par la marque. 

Rega, c’est d’abord et avant tout la platine vinyle ou la maîtrise de la création du son par la transformation mécanique vers électrique. Quand on analyse l’évolution de l’entreprise depuis sa création en 1973 par Tony Relph et Roy Gandy, c’est par sa platine Planet puis par les modèles Planar 1, 2 et 3 que la société se fait mondialement connaître. Une réputation qu’elle consolide avec l’arrivée d’accessoires aussi fondamentaux que le bras R200 en 1976 et la cellule R100 en 1980, année qui va également voir l’apparition de la première enceinte acoustique Rega, la RTX. Et l’enceinte est le maillon qui exécute le travail inverse de celui de la cellule, à savoir transformer l’énergie électrique en énergie mécanique et acoustique par le haut-parleur. Il faudra attendre 1991 pour voir apparaître les premières électroniques Rega, l’intégré Elex suivi de l’intégré Elicit.

 Le Brio-R comme base de travail

C’est l’ingénieur Terry Bateman qui est à l’origine du schéma de l’Elicit-R. Le suffixe R indique la présence d’une télécommande, en l’occurrence la nouvelle Solaris compatible avec les produits Rega à récepteur infrarouge. Et il s’est basé sur celui de l’intégré Brio-R pour le dessiner et le mettre au point. L’idée de départ du Brio-R a été de réaliser un amplificateur à transistors capable de s’approcher du son d’un modèle à tubes vintage, le Leak Stereo 20, une référence sonore aux oreilles de Terry.

Fondamentalement, l’Elicit-R est un Brio-R sur lequel l’alimentation et les étages audio ont été améliorés. Le transformateur d’alimentation est plus puissant et les régulateurs de tension plus performants, l’étage d’entrée est plus sophistiqué et les condensateurs de liaison et de découplage de technologie supérieure. L’étage de préamplification est basé sur un circuit à transistors J-Fet dont la sortie est dirigée vers un étage driver bâti autour d’une paire complémentaire de transistors Darlington de puissance polarisés en classe A (des Sanken d’une puissance nominale de travail de 150 W). La très faible impédance de sortie de ce montage émetteur suiveur améliore le couplage avec le simple push-pull de sortie utilisé sur chaque canal et polarisé en classe AB.

Construit pour durer

L’Elicit-R est installé dans un châssis particulièrement robuste et rigide. Rega a abandonné le galbe du capot supérieur du Brio-R et de la précédente génération d’Elicit qu’il a remplacé par une épaisse et lourde plaque en acier. Le châssis tout entier est d’ailleurs un assemblage de plaques et de cornières qui respire la robustesse.

Chaque flanc reçoit un dissipateur recouvert d’un encadrement qui évite de se blesser au contact maladroit sur les ailettes. La face avant combine cinq poussoirs dont un placé près de l’unique molette de réglage, et il faut jouer avec les deux pour activer la sélection des sources commutées par des relais ou le contrôle du volume. Il suffit d’appuyer sur ce bouton et de tourner la molette pour voir s’allumer l’une après l’autre les diodes LED numérotées de 1 à 5, correspondant à la sélection de l’entrée 1 à 5 correspondante. Un nouvel appui sur le bouton repositionne la molette en réglage de volume.

La face arrière comporte une batterie de connecteurs RCA. Cinq entrées haut niveau dont la première, double, peut être commutée par un poussoir entre une entrée ligne et une entrée phono MM. Une entrée Direct In permet d’utiliser l’Elicit-R en ampli de puissance sans passer par le réglage de volume. Quant à la sortie Pre Out à très basse impédance, elle est capable de gérer jusqu’à cinq amplificateurs de puissance. Le réglage de volume a fait l’objet d’une démarche particulière. La séduisante idée de commuter des résistances a été implémentée par la mise en place d’un circuit intégré composé de 1 024 résistances et piloté par une logique de contrôle à microprocesseur et un encodeur couplé à la molette en face avant.

La commutation des résistances n’altère pas l’impédance d’entrée qui reste constante. La course totale s’échelonne sur 80 dB par incrémentation de 1 dB. Une couronne placée autour de la molette et constituée de vingt diodes LED rouges indique la position relative du volume. Les canaux sont équilibrés à 0,2 dB près. L’intérieur de l’Elicit-R est constitué d’un unique circuit imprimé principal et d’un transformateur torique. Les composants essentiellement CMS sont implantés sur cette carte. La construction est double mono en sortie du transformateur. Le préphono RIAA à base d’amplis op est placé à l’arrière de l’entrée 1.

On note la présence d’une paire de Vishay U404 (paire de transistors J-Fet à très faible bruit en boîtier unique métallique à six broches) au sein du préamplificateur d’une part, et de nombreux régulateurs LM385 (référence de tension) dans les différents circuits audio, d’autre part.

Écoute

Le Rega comme le YBA sont les deux intégrés du dossier à rester fidèles à la traditionnelle classe AB à transistors sur les étages de sortie. À l’écoute, le britannique distille un message très distingué, bien timbré et bien équilibré. On est assez proche globalement du Creek qui travaille en classe G, une classe AB à tension d’alimentation variable. Sur « Gotcha », l’Elicit-R installe un paysage serein, posé, familier. L’impression d’être dans la salle de concert avec le public est assez saisissante, on se sent bien.

Les timbres sont élégants, suaves, l’extrême aigu très légèrement velouté apporte du confort au message. Par exemple, sur le deuxième mouvement scherzando de la Symphonie espagnole de Lalo, le violon joue des tonalités médium et haut médium qui ne vrillent jamais les tympans. La focalisation des sources est très satisfaisante mais curieusement moins millimétrique qu’avec les autres intégrés. Sur la piste « Dans ma rue », l’image stéréo est large et très stable, mais le détourage de Zaz manque d’un poil de netteté sans pour autant verser dans la confusion ou le flou, deux termes bannis du vocabulaire musical du Rega. La scène sonore revêt des proportions en phase avec celle des autres électroniques, le Mastersound restant le plus holophonique du lot.

Les capacités dynamiques (impacts des frappes de timbales sur la Marche au supplice) sont excellentes et dans la moyenne du dossier dominé sur ce critère par le Primare. De plus, on ne ressent ni tassement dynamique ni déstabilisation de la répartition dynamique en montant le niveau, l’équilibre de l’Elicit-R reste très linéaire.

Verdict

Il nous intéressait de placer un intégré Rega Elicit-R dans ce dossier pour deux raisons. D’abord la marque fait partie des incontournables en termes d’électroniques accessibles et de qualité. Et nous souhaitions vérifier la validité sonore d’un schéma composé d’un simple push-pull de transistors.

De notre point de vue et dans les conditions d’écoute de notre dossier, la lecture sonore proposée par cette électronique est la plus élégante du dossier. Elle module avec ce qu’il faut de dynamique, de justesse de timbres et de lisibilité chaque thème musical pour nous séduire. Un peu comme le Creek, le Rega réussit à tout restituer sans faute de goût, sans faute de couleur. Les Anglais nous ont habitué à la saveur tonale depuis le début de la haute-fidélité, le Rega Elicit-R perpétue cette tradition.

fiche technique

Origine : Royaume-Uni
Prix : 2 350 euros
Dimensions : 432 x 82 x 325 mm
Poids : 13 kg
Réponse en fréquence : n.c.
Puissance nominale : 2 x 105 W sous 8 ohms (127 W / 6 ohms et 162 W / 4 ohms)
Distorsion : n.c.
Sensibilité : 196 mV (ligne 10 K), 2 mV (phono 47 K), 760 mV (direct 50 K et pré-out)
Entrées : 6 RCA (dont une commutable entre phono MM et ligne), 1 RCA enregistrement, 1 RCA directSorties : 1 RCA monitoring, 1 RCA Pre Out, 2 paires HP

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