JADIS JPL MKII & JA30 MKII

S’il est un fabricant qui incarne et représente la noblesse de l’artisanat français à l’étranger, c’est bien Jadis Electronics et ses somptueuses réalisations à tubes. Le préampli JPL et le bloc mono JA 30 font partie des incontournables de la marque, encore plus incontournables dans leur évolution MKII. Un Jadis, c’est d’abord un look, une esthétique, une gueule reconnaissable entre tous. Inox et laiton polis à profusion sont la marque de fabrique du célèbre constructeur d’électroniques à tubes de l’Aude.

Préampli JPL

Nous ne nous étendrons donc pas sur le châssis du JPL MKII dont on reconnaît tout de suite la provenance. Tous les composants installés sur un large circuit imprimé sont protégés sous un capot en fine grille noire perforée tenue par quatre tiges filetées à molette. La connectique à l’arrière ne comprend que des entrées et des sorties de niveau ligne. Un transformateur capoté fournit la haute tension qu’une nouvelle régulation à tubes EL84 et EF86 stabilise et nettoie avant l’envoi vers les étages audio développés par André Calmette. Ceux-ci sont bâtis autour de quatre doubles triodes, trois 12AX7 et une 12AU7.

La particularité réside dans l’entrée CD qui bénéficie d’un étage de gain supplémentaire traité précisément par la 12AU7, ce qui permet également d’augmenter l’impédance d’entrée vue par le lecteur de CD. Les autres entrées sont dirigées vers une première triode cascadée avec une seconde avant que le signal ne traverse un étage à sortie cathodique et faible impédance. On distingue une grosse quantité de condensateurs électrochimiques « snap in » de filtrage, et des nouveaux condensateurs à film plastique de liaison et de découplage. La mise sous tension par un interrupteur à bascule illumine une diode LED rouge qui passe au vert une bonne dizaine de minutes après, une fois que toutes les tensions sont parfaitement établies. Un autre interrupteur « Muting » et trois molettes en métal poli (sources, balance et volume) complètent la face avant.

Bloc mono JA30 MKII

C’est dans le châssis profond et peu épais du JA 30 que prend place le bloc mono dans sa livrée MKII à pentodes KT150, une proposition qui permet de monter la puissance disponible à 45 W au lieu des 30 initiaux obtenus à partir d’EL34 ou de KT88, par exemple. Notons que ces tubes de sortie pourront toujours être installés sur l’ampli moyennant une légère modification interne. On retrouve les transformateurs de taille généreuse, celui d’alimentation avec son capot poli et celui central de sortie placé en cuve. Le filtrage est confié aux deux condensateurs émergeant entre les transformateurs.

Tous les tubes sont placés à l’arrière sous une grille amovible. Outre les pentodes du simple push-pull de sortie polarisé en classe A, ce sont deux doubles triodes, une 12AX7 et une 12AU7, qui gère l’étage de gain et l’étage déphaseur tous deux symétriques. Une légère contre-réaction négative globale est appliquée, les grilles écrans des KT150 sont polarisées par des prises intermédiaires sur le transformateur de sortie, et l’alimentation des filaments est filtrée et régulée.

Fabrication et écoute

Construction : La réalisation de ces deux produits est de très grande classe, c’est la règle chez Jadis. La qualité des tôles en inox et en laiton utilisées (épaisseur, finition) pour les deux châssis est superbe, la précision de l’assemblage est impeccable. La maîtrise du schéma de chaque appareil a permis une mise en œuvre à partir de composants actifs et passifs de qualité, on devine immédiatement que le constructeur n’a fait aucune économie dans ses choix (quantités impressionnantes de condensateurs de filtrage sur le préamplificateur, transformateurs « maison » sur les blocs). Empruntant au câblage en l’air et à l’implantation sur circuits imprimés, l’architecture interne aux senteurs artisanales est soignée.

Composants : Chez Jadis, quand on lance une nouvelle réalisation ou quand il s’agit, comme pour ces versions MKII, d’une évolution, on ne remet pas tout ce qui a été fait jusqu’à présent en cause. Rien à voir avec de l’insatisfaction ou un manque d’inspiration, nous sommes en réalité en présence de circuits qui n’ont nul besoin d’être remaniés. C’est un travail technique optimisé qui a nécessité de nombreuses heures de réflexion et d’écoutes avec chacune des électroniques. Le préampli voit son alimentation dotée d’une régulation à tube. Quant à l’ampli, c’est l’adoption de pentodes KT150 qui a demandé une petite modification de l’étage de sortie polarisé en pure classe A. Transformateurs maisons, tubes sélectionnés, câblage « point à point », 22 kg par bloc mono, une relative simplicité qui pèse très lourd également sur les excellentes qualités sonores de ces deux produits.

Grave : Nous avons laissé « tourner » les électroniques une bonne demi-heure avant de commencer à profiter pleinement de leur potentiel restitutionnel réel. Ce fut également l’occasion d’écouter nos nouvelles enceintes repères de bon rendement avec des tubes, qui plus est Jadis. Sur la piste « My Treasure » interprétée par la chanteuse jazz danoise Sinne Eeg, la restitution de la contrebasse donne une première indication sur le potentiel du nouvel étage de sortie des JA30 MKII. L’instrument vibre avec une amplitude et un réalisme d’excellente tenue durant nos écoutes. La partition explore les premières octaves avec de la consistance, une bonne articulation sur les changements d’accords malgré un soupçon d’emphase sur les notes soutenues. L’implication du musicien reste néanmoins très bien ressentie.

Médium : La qualité et la justesse des timbres délivrés par les Jadis sont de fort belle facture. Par ailleurs on ne note aucune tendance à la démonstration avec des couleurs plus flamboyantes que la réalité ou des mises en avant trompeuses de cette partie du spectre avec effet de présence « cinémascope ». Au contraire, la linéarité et la cohérence règnent. On est bercé par des saveurs tonales à la très grande crédibilité et d’une fluidité permanente. La soprano Simone Kermes interprétant « Ha Vinto Amor » apparaît bien incarnée, avec une appréciable sensation de présence, de chair et d’os. Nous ne sommes pas très loin du rendu d’un schéma simple étage de qualité… Les subtils vibratos de la voix se révèlent d’une manière évidente.

Aigu : Un autre point presque commun de cet ensemble Jadis avec les électroniques « single ended » est le rendu des hautes fréquences. On est très agréablement surpris par le filé et la définition dans le haut du spectre, preuve s’il en est de l’optimisation poussée des schémas et des points de fonctionnement des tubes. Le message est fouillé, précis dans l’analyse harmonique sans la moindre once d’agressivité ou de dureté. Des qualités implacables et révélatrices du moindre défaut en amont et en aval, notamment sur une piste comme « Animal » par Francis Cabrel où la voix plutôt claire du chanteur pourra vite paraître sèche et désincarnée si les électroniques manquent de texture et d’assise. Ce n’est pas le cas des Jadis qui insufflent une dose réaliste de matière et de volupté.

Dynamique : Les capacités des Jadis à répondre aux sollicitations impulsionnelles puissantes sont tout à fait satisfaisantes et on ne sent pas particulièrement frustré quand on entend les frappes de la boule de grosse caisse sur « Animal » par Francis Cabrel. La sensation d’énergie à chaque impact est réelle, l’alimentation des blocs mono ne fléchit pas à la demande en courant. Ceci étant, on perçoit vite que le JPL et les JA 30 MKII sont encore plus à l’aise dans la restitution de la microdynamique grâce à des registres de médium et d’aigu foisonnants. Les cuivres de batterie sur « My Treasure » par Sinne Eeg déploient une très belle palette harmonique de grande intelligibilité.

Attaque de note : Le comportement très satisfaisant des Jadis en termes d’attaques de notes et d’instantanéité pourrait faire rougir pas mal de références à transistors travaillant en classe A, la classe de travail des JA 30 MKII. Sur le Concerto per due violini de Vivaldi, le développement harmonique très dense, bien documenté et spontané des Jadis facilite la différenciation tonale des deux violons et leur positionnement spatial devant l’auditeur. La tendance généreuse du grave est délicatement contrebalancée par le tonus du médium et de l’aigu, les Jadis nous livrent au final un message fortement teinté d’authenticité.

Scène sonore :La proposition spatiale offerte par les Jadis est une des plus réalistes, une des plus holographiques qu’il nous ait été donné d’apprécier. La révélation du cortège harmonique de chaque note dès l’attaque initiale, durant le développement jusqu’à l’extinction finale dévoile les méandres sonores de la performance et de la prise de sons. On entend tout, chaque bruit, chaque réverbération est focalisée précisément, et cette tonicité analytique poussée aide à poser la scène sonore dans un décor particulièrement aéré et crédible.

Transparence : On peut sans équivoque parler d’électroniques transparentes et neutres à l’égard du préampli JPL et des blocs JA 30 MKII qui délivrent des sonorités profondément familières. Nous sommes en terrain connu avec une restitution qui nous rappelle incontestablement la réalité. La bande passante subjective est large, la cohésion des registres et l’équilibre tonal sont irréprochables. Sans être les plus rapides électroniques à tubes que nous ayons testées, le duo Jadis affiche en revanche une vivacité réaliste en ce sens qu’elle ne dénature pas la texture, l’épaisseur du message.

Rapport qualité/prix : Une électronique Jadis n’est pas une électronique encore à la portée de tous. La qualité des matériaux, la qualité des circuits, la qualité des composants et la quantité de travail qu’il a fallu pour développer et pour assembler à la main ces deux appareils expliquent en grande partie leurs prix néanmoins raisonnés. Évidemment, un Jadis est par essence minimaliste dans sa conception, entendez qu’au-delà des légendaires châssis en inox et en laiton, tous les autres investissements se focalisent sur la quête de perfection sonore. Donc pas de télécommande, pas d’entrée numérique, pas d’entrée symétrique, mais des transformateurs top niveau faits sur place, des schémas infaillibles et une finition exceptionnelle. Acquérir un Jadis est un acte passionnel.

Verdict

L’arrivée du préamplificateur JPL MKII et des blocs mono JA 30 MKII à tubes KT150 n’est pas en soi une révolution, mais une véritable évolution de modèles déjà très au point dans leur mouture originale. Jadis ne lance que très rarement des produits entièrement nouveaux, mais si un produit existant peut tirer bénéfice d’une amélioration qui pousse musicalement le bouchon plus loin, alors ça donne ces versions MKII. Voilà qui résume bien la démarche de ce fabricant de réputation mondiale avec le couple JPL MKII et JA 30 MKII qui persiste et signe dans le réalisme sonore. Un réalisme auquel nous a habitués et nous habituera longtemps encore la marque.

fiche technique

Origine : France
Prix : 7 000 euros (JPL MKII), 9 000 euros la paire (JA30 MKII)
Préampli JPL MKII
Dimensions : 430 x 170 x 290 mm
Poids : 15 kg
Réponse en fréquence : 20 Hz – 70 kHz à – 3 dB
Impédance d’entrée : 100 K (ligne), 1 M (entrée CD)
Entrées : 5 RCA, 1 RCA Tape Out
Sorties : 1 RCA Main Out, 1 RCA Monitoring

Bloc mono JA30 MKII
Dimensions : 460 x 210 x 210 mm
Poids : 22 kg
Puissance nominale : 45 W en pure classe A (tubes KT150)
Réponse en fréquence : 15 Hz - 60 kHz à – 3 dB (15 W)
Distorsion : < 0,6 %
Sensibilité d’entrée : 1 V (100 K)

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